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Th​é​o​-​Gandalf le Citron contre le Peleur de Peaux

by Georges la Saucisse

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Théo-Gandalf le Citron contre le Peleur de Peaux Table des matières Introduction CHAPITRE 1 - Théo-Gandalf le Citron CHAPITRE 2 - Le Rideau en Feuilles CHAPITRE 3 - Les Aiguilles du Crocodile CHAPITRE 4 - La Mouche Thermodynamique CHAPITRE 5 - CHAPITRE 6 - Le Jardinage de l'Extrême CHAPITRE 7 - Les Gravillons du Bitume CHAPITRE 8 - La Lettre à la Fenêtre CHAPITRE 9 - Interlude Joyeux : Le Dragon et le Samouraï CHAPITRE 10 - Le Calme Déchiqueteur CHAPITRE 11 - La Pompe à Tagliatelles CHAPITRE 12 - La Pastèque Inbuvable CHAPITRE 13 - Froides Réponses CHAPITRE 14 - Le Dinosaure-Tractopelle CHAPITRE 15 - Le Rayon des Balais CHAPITRE 16 - Les Conséquences du Microphone CHAPITRE 17 - Glissants sur la Glissante CHAPITRE 18 - Le Skateboard d'Argent CHAPITRE 19 - Le Feutre en Haut CHAPITRE 20 - Le Pianiste Lumineux CHAPITRE 21 - Le Peleur de Peaux (Partie 1) CHAPITRE 22 - Le Peleur de Peaux (Partie 2) Conclusion
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Introduction 01:12
Bonjour ! Je suis Georges la Saucisse ! J'ai improvisé un Grand Conte de Noël en Octobre 2018, et des gens m'ont aidé à le réaliser au long du mois. Ainsi, quelques jours avant le 1er Octobre : Les gens ont proposé plein de mots (des objets, des lieux, ...) via le canal de leur choix parmi les suivants : Sur YouTube (GeorgesLaSaucisse) en commentaire. Sur Twitter (@georgessaucisse) en tweet. Sur georgeslasaucisse.fr via la page Contact, et bien non, y'a plus de page Contact, mais mon site était toujours bien ! Deux mots étaient choisis, mais pas cette fois, les deux mots étaient choisis d'après un thème imposé par un concours de création sur un serveur Discord ! Les gens devaient également voter pour leur personnage préféré dans un sondage listant mes quatre acolytes. Le personnage avec le plus de votes a été désigné comme personnage principal de ce Grand Conte, et présent dans son titre avec les deux mots choisis. Et puis du 1er au 24 Octobre : Une vidéo a été publiée chaque jour, comprenant un chapitre du conte lu au format sonore, illustrée d'un presque joli dessin de la situation actuelle de l'histoire. À chaque nouvelle vidéo, il était demandé de reproposer des mots via les mêmes canaux. Deux mots ont été choisis chaque jour, définissant la base du titre du chapitre suivant, jusqu'à ce qu'on arrive à la fin du Grand Conte.
3.
Il était une fois, dans un pays fort lointain, il y a fort longtemps, sous une neige fort fraîche, était né un citron. Ses parents ne pouvaient s'accorder sur le prénom à lui accorder. L'une voulait l'appeler Théo, en référence au célèbre scientifique du même nom, ayant découvert le vaccin contre les sourcils froncés. L'autre voulait l'appeler Gandalf, en référence au célèbre chanteur du même nom, ayant découvert la note Mi et le septuple-temps. Alors la poire en deux fut coupée, Théo-Gandalf le Citron était né. Ce double-prénom ne fut pas sans difficulté à porter pour Théo-Gandalf. Le chanteur était universellement connu des personnes ayant été des enfants trente ans avant la naissance du citron. Dès lors, ses chansons étaient considérées comme "ringardes" entre guillemets par les personnes étant des enfants en même temps que le citron. Au long de quinze années, pas un jour n'est passé sans qu'une chanson du chanteur ne soit au mieux fredonnée, au pire hurlée, en la présence de Théo-Gandalf. Tant et si bien qu'il finit par haïr ce chanteur, au répertoire qu'il avait trop supporté. Les quinze années passèrent, parmi ses camarades, presque toutes et tous en maturité gagnèrent, et le citron n'eut plus à subir ces jérémiades journalières. Mais il était trop tard. Lassé de ces incessantes simagrées, Théo-Gandalf avait entamé des études scientifiques en hommage à son autre prénom, qui ne bénéficiait hélas d'autant de popularité. Et ce fut un excellent choix, car il obtint trois doctorats, l'un d'entre eux suite à sa découverte de l'atome numéro 633, octuplement radioactif, que l'on retrouva parfois dans les climatiseurs victimes de défauts d'étanchéité. Quel honneur. Le temps passa, et Théo-Gandalf à nouveau le répertoire du chanteur apprécia. Certains jours, il se surprenait même à le chanter, comme aujourd'hui, chez lui, quand son lave-vaisselle il vidait. Écoutons. "Je maaange des clouuus, des viiis, du mouuu, des clouuuuus. Et quand bien même je mange des clouuus, je ne suis pas toujours tout douuux. Et quand bien mêêêêême, je mange des clous. Des clouuus, ouh-ouh-ouh-ouuuh-ouh-ouuuh-ouh-ouuuuuh, des clouuus, des clouuus, ouh-ouh-ouh-ouuuh-ouh-ouuuh-ouh-ouuuuuh, des clouuus." Gandalf le Chanteur n'avait effectivement pas toujours chanté des chansons intelligibles. Mais il en fallait plus pour faire faillir la foi de Théo-Gandalf. Non seulement il appréciait cet artiste, mais il disposait également de l'ensemble de sa discographie au format CD. Quelle dévotion. Mais alors qu'il achevait de ranger ses couverts, le citron fut surpris par un cri. "RRAaAaAaAaRRGRGRG !!!" Ça venait de l'extérieur, et ça n'avait rien d'agréablement audible. Il pencha sa tête de citron par la fenêtre, car oui ! Les citrons ont une tête. Il pencha sa tête, et vit l'origine du cri, une orange, gisant au sol, dont l'écorce avait été déchiquetée. "Sapristi, c'est un massacre !" s'exclama Théo-Gandalf. "RRAaAaAaAaRRGRGRG !!!" continuait de hurler l'orange. "C'est un massacre pour mes tympans !" Sur cette constatation, Théo-Gandalf ferma la fenêtre pour être tranquille.
4.
Une journée était passée, mais l'orange continuait de hurler sans discontinuer, au point de faire tant de bruit, que son cri transperçait les murs du logis de Théo-Gandalf. "AaaAaaaAAAAaaAAAaaAAa." Le cri avait pris de nouvelles tonalités, signe que les cordes vocales étaient attaquées. Le citron s'arma alors de courage et prit la décision ... d'aller en ville pour acheter des rideaux pour filtrer le bruit. Hertzenfoulchenheim était une ville en reconstruction. L'an dernier, ses rues, ses boulevards et ses habitations, avaient été submergés par un tsunami de tables basses. Une quantité astronomique de ce type de meuble avait noyé la ville et ses alentours, et un nombre innombrable de victimes marquées de la catastrophe pour toujours. Le nettoyage de ces tables n'avait pourtant débuté que depuis quelques jours ouvrables. Certaines allées étaient encore impraticables, mais les artères principales étaient dégagées, et la circulation y était agréable. Bon nombre d'enseignes furent également détruites par ce raz-de-marrée. Une nouvelle ère avait alors débuté, pour bon nombre de commerçants souhaitant démarrer leur activité. Il fallait reconstruire, reprendre le terrain, et relancer l'économie en déclin. En gros fallait profiter de la situation. L'un de ces nouveaux commerçants était Rideau Dépôt, où se rendait Théo-Gandalf avec sa voiture car oui ! Les citrons peuvent passer le permis de conduire. Il gara sa voiture sur le parking, entra dans l'enseigne, et fit connaissance avec le vendeur. "Bonjour, je suis Rideau Dépôt la Sauterelle !" dit Rideau Dépôt la Sauterelle, qui portait ce prénom pour de vrai. "Bonjour, je suis Théo-Gandalf le Citron, je viens acheter des rideaux !" dit Théo-Gandalf tout en espérant ne pas être entré chez le pâtissier. "Aaaah, ça tombe bien, je vends des rideaux ! C'est écrit sur le panneau à l'entrée, c'est pratique !" "Ce serait pour des rideaux qui filtrent le bruit, j'ai un nouveau voisin qui crie beaucoup." "Et bien et bien je peux vous proposer ce rideau en plomb, dont l'épaisseur peut rendre inaudible un moteur d'avion !" "Ah non, pas du plomb, c'est cancérigène." "Alors ... un rideau en briques !" "C'est un peu lourd à transporter." "Un rideau en plumes de canard !" "Pourquoi vous avez massacré un canard ?" "Un rideau en poils de lion !" "Même question, mais avec le lion à la place du canard." "Un rideau en écailles de carpe !" "Bon là ça va, ça coûte combien ?" "1499 le mètre carré !" "Houououuouh, c'est un peu cher. Vous avez pas à moins de 49 ?" "Et bien sinon, là j'ai une ramette de feuilles de papier, là. C'est du A4. Vous prenez une agrafeuse, et vous agrafez les feuilles entre elles, ça vous fera un rideau à moins de 49." "Marché conclu." Théo-Gandalf acheta la ramette de feuilles et une agrafeuse, puis rentra chez lui. Il passa l'après-midi à confectionner son nouveau rideau, et il en était au final très fier ! L'orange hurla à nouveau ... "AaaAaAaAAaAAaaaA." Et le rideau laissait complètement passer le bruit. Cet achat n'a servi à rien.
5.
Le lendemain matin, Théo-Gandalf s'éveilla avec stupeur. Les cris de l'orange étaient si stridents que toutes les agrafes du rideau de feuilles étaient tombées au sol, entraînant ainsi la décomposition de cet ouvrage. L'orange hurlait toujours, mais je commence à être fatigué de reproduire les cris alors je vais pas vous faire un nouvel extrait. Désemparé, le citron se rendit au marché, dans l'espoir de trouver une quelconque solution pour faire cesser ces cris. Le marché d'Hertzenfoulchenheim avait été délocalisé dans le village voisin suite à la catastrophe des tables basses. Malgré le désastre, celui-ci n'avait jamais désempli. Dizaines de dizaines d'hurleurs itinérants tentaient de soutirer quelques menues piécettes aux passants, dans une immense cacophonie dans laquelle on percevait néanmoins quelques extraits de monologues : "... luminaires ! Luminaires écologiques ! Réduisez l'empreinte carbone de votre maison ! 50 watts ! 60 watts ! Pour 100 watts achetés, les 10 suivants sont offerts ! Demandez les wa ..." "Booonjouuur jeee meee préééseeenteee ààà laaa maaairiiieee voooteeez pouuur moiii jeee suuupriiimeeeraiii leees cooonsooonneees viiiveee leees voooyeeelleees !" "Je suis auteur sur Internet ! Achetez ma bande dessinée sur Lulu.com ! 116 pages de rigolade ! Des heures d'aventures palpitantes ! Profitez de la gratuité des frais de port avec le code ONESHIP ! N'attendez plus, achetez ma bande dessinée !" Mais l'attention de Théo-Gandalf finit par se porter sur le stand d'un crocodile. Du moins, c'est plutôt le crocodile qui l'alpagua. "Salutations, humble citron, cronch cronch ! Vous semblez perturbé, que puis-je faire pour vous aider, cronch cronch ?" "Euh bonjour, vous vendez quoi ?" "Un peu de tout, un peu de rien, puis des trucs au milieu, ça dépend de ce que vous voulez, cronch cronch." "Mais vous avez un stand vide, je sais pas en quoi vous pouvez m'aider." "Le vide n'est qu'une illusion, exposez votre problème, je trouve une solution." "Et bien, j'ai un rideau composé de feuilles A4 à la maison, il a cassé pendant la nuit, toutes les agrafes sont tombées et puis "Voici des aiguilles, cronch cronch." coupa le crocodile en tendant une boîte d'aiguilles. "Vous en attachez une à chaque agrafe, et ça va les renforcer, elles tomberont plus, cronch cronch. C'est du triple calibre, ça vient d'un braconnier qui voulait me changer directement en sac à main sans intermédiaire. Je les ai arrachées moi-même de ma peau, cronch cronch." "Euuuh, et bien merci, je vous dois combien ?" "Laissez, vous m'êtes sympathique, je viens les installer chez vous gratuitement." "Mais je vous ai pas invité chez moi." Mais le crocodile était déjà arrivé à la maison de Théo-Gandalf. Il marchait très vite, à l'inverse du citron qui mit plusieurs dizaines de minutes à rentrer chez lui. Il n'avait pas pris sa voiture, parce que je sais pas si vous avez déjà essayé de manoeuvrer une voiture un jour de marché mais c'est la croix et la bannière, hein. En revenant chez lui, le citron découvra le crocodile ayant terminé de renforcer son rideau de feuilles avec les aiguilles. "Voilà, un rideau renforcé, c'est un ouvrage de qualité, cronch cronch." "Bon bah merci, vu vous que vous êtes là, vous voulez pas prendre un café ?" "NON ! Cronch cronch. Jamais de café. Par contre, si je peux être indiscret, pourquoi avez-vous acheté un rideau comme ça, cronch cronch ?" C'est à ce moment que l'orange choisit d'à nouveau pousser un hurlement, un hurlement si aigu que toutes les aiguilles s'arrachèrent du rideau pour se ficher dans la peau du crocodile. Ce dernier ne put s'empêcher d'échapper un cri de douleur : "Ouille."
6.
"Ouille, cronch cronch, ... ouille, cronch cronch, ... ouille, cronch cronch, ..." Voilà deux heures que le crocodile arrachait les aiguilles fichées dans son corps, non sans réagir à chaque arrachage. Cela avait agacé Théo-Gandalf en moins de deux minutes, il avait alors quitté son domicile, mais le voici désormais revenu, en compagnie d'un drôle d'appareillage, ainsi que d'une cloche à fromage, sous laquelle était enfermée une drosophile audiphage. "Drosophaquoi, cronch cronch ouille ?" "Une drosophile audiphage, c'est le terme scientifique pour 'mouche qui mange le silence'." "Aah, mais vous inventez des mots aussi, ouille cronch cronch." "Ce ne sont pas des mots inventés, cette espèce est connue sous ce nom depuis 1957, et il y a un consensus scientifique autour." "Aah, mais vous utilisez des mots de scientifique aussi, ouille cronch cronch. Les scientifiques, faut toujours qu'ils dégueulassent quelque chose parce qu'ils ont pas de coeur, cronch ouille cronch." "J'ai trois doctorats s'il vous plaît." "Aah, mais vous dites pas tout aussi, ouillecronch." "Mais vous avez pas encore fini avec vos aiguilles ?" "J'ai fait que le bras gauche. Votre rideau était très grand, ouille cronch ouille." "Bon allez poussez-vous, j'ai à faire." "Ouille, c'est pour votre mouche qui cronch cronch le bruit ?" "Elle mange le silence, et elle va nous être bien utile pour notre problème d'orange qui hurle." "Bah elle devrait pas plutôt manger le bruit votre bestiouille, cronch cronch ?" "Non, en mangeant le silence, elle crée un bruit sourd. Et il se trouve que j'ai également amené de quoi fabriquer un réacteur thermodynamique pour booster ses capacités. En fait, je vais faire grimper la température de la pièce à 5000 degrés, ce qui va déformer la cage digestive de la drosophile et lui permettre d'engloutir jusqu'à 300 fois son poids. Son repas va créer un bruit sourd insupportable, mais qui va générer une poche d'air aspirant tous les bruits à 15 kilomètres à la ronde pour les reprojeter sous la forme d'une onde sphérique et empêcher tout bruit d'être émis dans cette sphère pour les six prochains jours." "C'est pas un peu beaucoup pour une orange qui hurle, cronch cronch ouille ?" "Bah j'ai pas trouvé de solution plus simple à mettre en place." "Vous pourriez aussi vous comporter comme une personne décente et aller au chevet de cette orange pour voir pourquoi elle hurle et peut-être résoudre son problème en la soulageant." "Vous dites plus cronch ouille ?" "Non, parce que c'est un moment solennel." "Bon, si vous le dites, ..." Mais Théo-Gandalf continuait comme si de rien n'était, et fabriquait son réacteur, toujours sous les ouille-cronch-cronch du crocodile. "Ah, mais vous voulez vrouillement pas aller voir ce qu'elle a, cronch cronch ?" "Non, c'est pas tous les jours qu'on a l'occasion d'annihiler tous les sons autour de soi pendant une semaine avec une expérience scientifique." "Vous êtes un monstre, cronch cronch." "Vous avez dit cronch cronch, c'est que vous étiez pas solennel." Sur cette phrase, Théo-Gandalf brancha la prise de son réacteur sur secteur. Comme prévu dans la description du citron, la drosophile audiphage engloutit tout silence à une vitesse phénoménale, avant de restituer son bruit sourd infernal, qui à tout autre bruit donnerait coup fatal. "PWOUM"
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8.
Huit jours étaient passés, le bruit put enfin à nouveau s'exprimer autour du logis de Théo-Gandalf. L'étouffement des sonorités avait duré plus longtemps qu'espéré, et autour de cette expérience, le citron pourrait rédiger un fabuleux papier publié dans une revue scientifique de grande renommée ... mais l'orange hurlait toujours. Le crocodile était toujours présent également, et s'empressa de donner son opinion à Théo-Gandalf. "Bon ça suffit maintenant, allez voir ce que fait cette orange, groar groar !" "Groar, c'est quand vous êtes fâché ?" "Exactement ! Si vous n'allez pas voir ce fruit, je vous plante une par une les 1347 aiguilles que j'ai retiré de mon corps depuis la semaine dernière, et je vous fais bouffer votre ramette de papier, groar groar !" "Bon, j'ai compris. Vous énervez pas, j'y vais." Le citron passa la porte de son logis, et s'approcha de l'orange qui ne cessait de pousser des cris. "Ah bah enfin quelqu'un ! Merci bon sang !" hurla l'orange en voyant le scientifique arriver. "Bonjour, vous pourriez vous taire, s'il vous plaît ?" répondit amicalement le citron. "Mais je suis en train d'agoniser depuis la semaine dernière, j'ai comprimé toutes mes plaies, mais je peux plus bouger sans que ça pète, donc j'étais obligée de hurler dans l'espoir que quelqu'un viendrait. Mais vous êtes pas pressés dans ce quartier." "En même temps, j'ai fait fuir tous mes voisins l'année dernière, quand j'ai inventé mon aspirateur quantique. Il marchait très bien, sauf qu'il ouvrait des trous noirs dans toute la rue. Donc les gens ont craint pour leur vie." "Ah super, un savant fou, j'ai bien fait d'être grièvement blessée dans cette rue, moi !" "J'ai trois doctorats s'il vous plaît." "Excusez-moi de vous le dire, mais vous êtes pas très efficace comme docteur." "Le doctorat ça veut dire que j'ai fait huit ans d'études, pas que je sais soigner les conjonctivites." "Mais vous avez vu mon état ? Vous croyez que c'est un nez qui coule ?" "C'est vrai que vous êtes pas aidée. Il vous manque quasiment toute l'écorce en fait. Vous vous êtes fait ça comment ?" "Et bien, j'avais envie de m'initier au jardinage. Et je suis tombée sur ce prospectus du jardinier de l'extrême qui est posé dans toutes les épiceries. Alors j'ai appelé le type, il est venu tout de suite. Il m'a un peu raconté ce qu'il faisait, que c'était comme du jardinage normal, sauf que c'était sponsorisé par une marque de soda, que l'idée c'était d'ajouter une dose de spectacle, ... alors j'ai suivi son premier cours. C'est un cours qui consistait à lancer les outils en l'air et de les actionner pendant leur chute de manière à tailler les buissons au vol." "Vous avez des délires bizarres quand même." "Et puis au bout de cinq minutes, un sécateur est retombé sur moi, et m'a taillé une grande bande d'écorce. Puis un deuxième sécateur a fait pareil, puis un troisième, ..." "Mais vous ratiez vos lancers ?" "Non, c'est ce jardinier qui avait les sécateurs. Moi je commençais à me sentir pas bien, donc j'ai demandé une pause et je me suis assise. Alors le jardinier a dit 'Je vous ai causé des pépins, mais attendez, je vais les enlever.', c'est à ce moment que j'ai perdu connaissance, et quand je me suis réveillée, j'étais là, sans écorce, au milieu de votre rue." "Bon, super. Je vous ai écoutée, maintenant je m'en vais." "Mais me laissez pas comme ça espèce de monstre ! Trouvez un truc pour boucher mes plaies, que je puisse partir !" Théo-Gandalf comprit qu'il continuerait d'entendre des hurlements tant que l'orange ne serait pas soignée. Il regarda autour de lui, chercha, examina, ... et trouva ce qui pourrait la sauver.
9.
Voilà deux heures que Théo-Gandalf avait quitté son domicile, et le crocodile ne le voyait toujours pas rentrer. Il termina les olives apéritives au frigidaire, et décida de se rendre à la rencontre du citron, pour voir ce qu'il faisait depuis tout ce temps. À peine la porte ouverte, le crocodile avait déjà atteint son objectif. Le scientifique était devant chez lui, en train d'arracher le bitume. "Qu'est-ce que vous fichez encore, cronch cronch ?" "Ah vous êtes enfin là, alors aidez-moi à récolter un maximum de gravillons." "Mais pourquoi vous massacrez la route, cronch cronch ?" "L'orange qui crie depuis tout ce temps a plein de plaies. Alors pour les cautériser, je récupère tout le gravier que je trouve dans le but de l'appliquer dessus, et lui permettre de partir avec un début de cicatrisation." "Vous voulez cicatriser des plaies avec des petits cailloux, cronch cronch ? Cette orange, vous voulez la soigner ou lui filer le tétanos ?" "Dans le pire des cas, elle meurt et on l'entendra plus hurler. Dans le meilleur des cas, elle va partir au loin se faire mieux soigner et on l'entendra plus hurler. Y'a pas de mauvaise solution." "Vous pourriez aussi appeler les secours, cronch cronch." "Ils pourront pas passer dans cette rue, j'ai arraché toute la route." "Mais ... c'est vrai, on peut plus passer, cronch cronch." "Oui, c'est ce que je viens de dire." "Mais non, c'est surtout que le tour vélocycliste doit passer dans cette rue cet après-midi !" "Quoi ?" "D'ici quelques minutes, il y aura des dizaines de dizaines de vélos qui vont traverser cette rue, alors non seulement ils vont galérer comme c'est pas permis pour rouler sur ce bitume sans gravillons, mais en plus, ils risquent d'écraser l'orange, cronch cronch." "Ah bah parfait, ça fait une troisième option où on l'entendra plus." "Il faut agir vite. Tant pis, je vais vous aider à démolir la route, crounche crounche. Crounche c'est quand je suis déçu." "J'avais compris." Les deux compères "Je suis pas son compère, cronch cronch." bon si vous le dites. Les deux gugusses avaient mis les bouchées doubles. L'arrachage des gravillons du bitume se faisait à folle allure. Jamais autrefois un pareil chantier n'avait été constaté dans cette rue. "Comme je vous ai dit, tous mes voisins sont partis quand j'ai fait mon aspirateur quantique, donc la rue n'a plus été entretenue depuis." Ils devaient faire vite, car au loin, on entendait les premières chaînes de vélo s'approcher. "Oh non, cronch cronch, au loin, j'entends les premières chaînes de vélo s'approcher." C'est ce que je viens de dire. "Il faut encore combien de gravillons, cronch cronch ?" "Là on en a pour couvrir les trois quarts de l'orange, on aura jamais le temps d'arracher assez de cailloux pour tout recouvrir." "Vite cronch ! Vite cronch !" Le rythme s'accélère. Le crocodile mit toutes ses forces pour démolir le restant du macadam de la rue, Théo-Gandalf de son côté commençait à appliquer les gravillons à l'orange, le crocodile lui lançait ce qu'il arrachait, voilà la moitié de l'orange couverte, les bruits de vélo s'intensifient, le crocodile commence à attaquer la route avec les dents, l'orange est couverte aux trois quarts, le peloton de tête entre dans la rue, le crocodile fait barrage, tous les vélos lui rentrent dedans, sont projetés en l'air et s'éclatent au sol sur la route endommagée, blessant grièvement plusieurs sportifs, mais le citron a juste le temps de finir de recouvrir l'orange et de la déplacer sur le côté pour éviter que les cyclistes ne lui atterrissent dessus. L'orange était sauvée. Mais on ne pouvait pas en dire autant des cyclistes ... De son côté, Théo-Gandalf constatait les dégâts. "Ah bah j'ai pas assez de cailloux pour sauver tout le monde, alors je m'en vais. Allez, venez euh ... il s'appelle comment ce crocodile déjà ? Bon, le croco, venez on s'en va." Mais aucune réponse ne provenait du crocodile, qui était inconscient.
10.
Théo-Gandalf s'approcha des lieux de l'accident, le crocodile ne bougeait plus. Il ne put également mesurer son pouls. C'était terminé. "Je crois qu'il savait ce qu'il faisait." Cette phrase provenait de l'orange, qui s'était redressée. Intégralement recouverte de gravillons, elle pouvait désormais se déplacer. "Quand je gisais encore au sol et que vous détruisiez la route pour me sauver la vie, le crocodile est venu à moi, et m'a confié qu'il pensait ne pas sortir de cette mission indemne. Il s'est sacrifié pour nous sauver, vous, moi, pas les cyclistes par contre, mais vous et moi lui devons la vie." "C'est ballot quand même." "Vous avez pas l'air plus ému que ça." "Bah tant pis ma foi. Tout le monde meurt un jour mais bon, c'est pas souvent une étape joyeuse." "Il s'y est préparé. Il m'a confié avoir laissé une lettre sur un de vos bancs de fenêtre, vous étant destinée." "Ah bon ?" "Oui." "Bon bah d'accord." "Voilà." "Bon bah je vais aller voir du coup." "Et bien je vais vous laisser, merci encore pour tout." "Oui, j'espère que vous retrouverez votre peau d'orange, euh ... vous vous appelez comment, déjà ?" "Clémentine." "Mais vous êtes pas logique !" Théo-Gandalf était rentré chez lui, non sans avoir enjambé les centaines de cyclistes agonisant devant sa porte. Une enveloppe l'attendait effectivement à la fenêtre. La même fenêtre où il avait vu l'orange pour la première fois, la même fenêtre où il avait essayé d'installer un rideau en feuilles A4, la même fenêtre, qui avait servi pour à peu près tout dans cette aventure, et c'était bien pratique pour s'y retrouver. Un moment d'hésitation. Le citron ressentait une émotion. Cela lui arrivait peu, car en tant que triple-docteur, il avait décidé de faire abstraction de tout sentiment pour diriger ses études de la manière la plus neutre qui soit. Mais là, bien qu'il ne connaissait le crocodile que depuis peu, une curieuse sensation l'envahissait. Une sensation de perte, de tristesse. Théo-Gandalf décacheta l'enveloppe, en sortit une feuille, l'une des feuilles de son ancien rideau, sur laquelle il était écrit : "Je vais me faire renverser par des vélos, cronch cronch." La voix lisant cette phrase avait également retenti en bas de la rue, le crocodile était bien présent et bien vivant ! "Hein ? Mais vous êtes pas mort espèce de guignol ?" "Et bien non, car il se trouve que je suis magicien, cronch cronch ! J'ai appris à voir l'avenir à l'école de magie à l'autre bout de la ville, et je me suis sorti de cette nuée de cyclistes avec un tour de passe-passe cronch cronch !" "Mais là-bas, je vois encore votre corps entassé sous les vélos !" "La magie, cronch cronch ! On fait des choses merveilleuses avec !" "C'est pas possible, la magie ça existe pas !" "Regardez dans l'enveloppe, j'ai laissé autre chose, cronch cronch." Dans l'enveloppe se trouvait également ... le cinq de pique. "Mais ... c'est la carte que j'avais choisi ! Je vous crois, vous êtes vraiment magicien !"
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"Bon cronch cronch, je suis peut-être magicien, mais je vous avouerai que mes compétences ne me permettent pas d'en savoir plus sur le malfaiteur de l'orange.", dit le crocodile pour commencer l'épisode sur de bonnes bases. "Ah mais vous êtes encore là-dessus ? C'est bon, elle est partie l'orange, la vie peut reprendre son cours." "Non, il faut retrouver ce jardinier extrémiste, groar groar. Il a de toute évidence maltraité volontairement ce pauvre fruit, il faut savoir pourquoi et l'empêcher de récidiver, groar groar. Allons récupérer un de ses prospectus en ville, il doit y avoir son adresse dessus." "Bon très bien, je vous suis. J'avais rien prévu cet après-midi de toutes façons.", conclua Théo-Gandalf avec un enthousiasme non dissimulé. Le duo avait facilement pu trouver un prospectus, comprenant une adresse qui les mena à un dojo. En entrant, ils tombèrent sur un samouraï qui sautillait un peu partout en chantant : "Bonjour bienvenue, dans mon dojo. Je suis samouraï, je m'appelle Bernaud. Vous deux semblez exténués, Il va falloir que vous souffliez. Ça tombe pas mal, je connais un Conte de Noël plutôt très bien. Asseyez-vous et profitez De cet interlude bien mérité. Il était une fois, dans un château, Un dragon qui était pataud. Tous les matins, dans la salle de bains, Il se nettoyait, pendant trois heures, pour rien. Et tout le monde était fâché. Personne ne pouvait se laver. Mais quand le dragon ressortait, Plus personne n'osait râler. Quand il n'était pas très content, Il crachait du feu sur beaucoup de gens. Dans le château, ça sentait mauvais, Parce que tout le monde avait brûlé. Un jour arriva un personnage, Contrôleur du fisc avec un bel âge. Il se trouvait que le dragon N'avait pas payé sa taxe d'habitation. Le contrôleur frappa à la porte, Le dragon dit 'Mince, un cloporte !'. Le contrôleur l'avait entendu, Il répondit 'Quel malotru !'. Mais les habitants de la bâtisse Ne l'entendaient pas de cette oreille. Du dragon ils ont attrapé les cuisses, Puis l'ont jeté dans un nid d'abeilles. Piqué une fois *tousse* piqué deux fois *tousse*, Piqué trois fois *tousse* piqué *tousse* quatre fois *tousse*, Piqué cinq fois *tousse* piqué six fois, À la septième fois *tousse*, il décéda *tousse* *tousse* *tousse*. *tousse* *tousse* *tousse* *tousse* pardon. Le contrôleur n'eut pas son argent, Mais la salle de bains était libre. Les habitants étaient contents, Ils pouvaient maintenant installer la fibre Dans la salle de bains." "Et qu'est-ce que vous voulez que ça nous fiche ?" demanda Théo-Gandalf. "Et bien, je suis le cousin du dragon de ce conte." répondit le samouraï. "Et qu'est-ce que vous voulez que ça nous fiche ?" demanda Théo-Gandalf. "Bah j'ai voulu me présenter, mais vous en avez rien à taper." répondit le samouraï. "On est venu pour voir le jardinier qui a officié chez Clémentine l'Orange." "Je ne l'ai pas vu depuis deux mois." "Merci de nous avoir fait perdre notre temps." "Mais je peux vous dire où il est."
12.
L'adresse donnée par le samouraï menait à une petite maisonnette ma foi fort charmante. Le crocodile et Théo-Gandalf frappèrent à la porte, et un petit monsieur leur ouvrit. "Euh bonjour." dit le petit monsieur d'une voix très basse. "Euh bonjour.", répondit Théo-Gandalf, "Nous cherchons l'ancien jardinier de l'extrême de la ville." "Euh c'est moi, qu'est-ce que je peux faire pour vous ?" "Et bien cronch cronch, ...", enchaîna le crocodile, "C'est vous qui avez taillé la peau de Clémentine l'Orange ?" "Euh c'est moi, oui." "Ah euh ..." "Euh ..." Théo-Gandalf et le crocodile ne savaient pas trop comment enchaîner cette conversation. Le petit monsieur continuait de les regarder comme des vendeurs de calendriers des pompiers. "Alors euh cronch cronch, comme ça vous découpez des gens ?" "Non mais si c'est pour sortir des phrases comme ça face à un meurtrier, vous pouvez vous abstenir aussi." "Euh je vous arrête, je suis pas meurtrier, je déchiquette." "Je savais même pas qu'on pouvait conjuguer ce mot, cronch cronch." "Non mais attendez, je vais parler en fait. Alors euh ... vous avez lancé des sécateurs sur une orange, que vous avez a priori laissé pour morte dans ma rue après avoir taillé une grande partie de son écorce." "Euh j'ai pas lancé les sécateurs sur elle. Je faisais du jardinage de l'extrême, je sais pas si vous connaissez le principe, en fait." "Non mais on m'a expliqué c'est bon. Au passage, votre collègue m'a dit qu'il vous avait pas vu depuis deux mois, donc vous étiez vraiment encore en fonction quand vous êtes allé chez Clémentine ?" "Euh oui, on a fondé le dojo de jardinage avec mon collègue Bernaud. Mais on a eu des divergences d'opinion, donc on a continué chacun de notre côté mais au même endroit. Moi je prends le dojo les jours pairs et lui les jours impairs." "Par divergence d'opinion, vous entendez que le samouraï découpe pas les gens comme vous ?" "Euh alors à ce propos, je découpe pas forcément tous les gens, surtout les agrumes en fait, comme les oranges et les citrons par exemple." "QUOI ?" "Euh oui parce que ... c'est un peu long à expliquer, mais en fait, c'est sous votre peau que" "VOUS VOULEZ ME DÉCOUPER MOI AUSSI ?" "Euh c'est pas impossible en effet." "ET L'ORANGE ELLE SAVAIT QUE VOUS VOULIEZ LA DÉCOUPER ?" "Euh non, parce que généralement, les gens sont pas vraiment d'accord." "GNNGHGNHGNHNGGHGNHGGHNG" Théo-Gandalf avait cassé. Le crocodile qui assistait à la conversation restait plus abasourdi qu'à l'accoutumée. Et le petit monsieur n'avait pas vu son humeur ni son attitude évoluer depuis le début. "Euh je peux vous exposer mon parcours, mais c'est un peu long à expliquer, mais vous pouvez entrer si vous voulez, je vous offre un café et je vous découpe ensuite." "GNNGHGNHGNHNGGHGNHGGHNG" "Euh ou on fixe un rendez-vous la semaine prochaine chez vous et je viens avec mes outils, pas de souci, je suis pas pressé." "GNNGHGNHGNHNGGGGGGGG..." Théo-Gandalf s'était évanoui.
13.
Théo-Gandalf s'était éveillé, il avait toute son écorce, et était assis à une table face au crocodile. "Bien dormi, cronch cronch ?" "Euh ... il est parti le jardinier ?" "Oui, au moment où vous vous êtes évanoui, je vous ai transporté d'urgence à l'autre bout de Hertzenfoulchenheim cronch cronch, mais le jardinier nous a pas suivi, au contraire, il est rentré chez lui." "Et bien ... merci beaucoup, vous avez sauvé ma peau. Mais on est où en fait ?" "Vu que l'heure du repas approche, je vous invite dans mon restaurant préféré, vous avez bien besoin de manger à mon avis, cronch cronch." "Et bien ... merci beaucoup, vous avez sauvé mon estomac. C'est quoi le menu ?" "Il est dans votre assiette, miam miam." Le scientifique pencha la tête et vit ... une espèce de pompe dans une assiette. "Et bien ... ça se mange comment ?" "C'est la spécialité du restaurant, une pompe à tagliatelles. Vous appuyez dessus, et des tagliatelles sortent dessous, miam miam. Tenez, je vous montre." Le crocodile avait également une pompe avec une assiette. Il appuya, et cela fit un bruit dégoûtant : *protch*. De la pompe étaient effectivement sorties des tagliatelles, à la bolognaise à juger l'aspect. "Il faut réappuyer régulièrement sur la pompe pour s'assurer que toutes les pâtes soient sorties, miam miam. Essayez ! C'est ludique." "Bon bah ... c'est bien parce que j'ai faim." *protch*, de la pompe vendue au scientifique étaient sorties des tagliatelles au pesto. "Bon appétit, miam miam." "Bonne chance, beurk beurk." Malgré les bruits des pompes, les deux protagonistes tentaient de tenir une discussion sensée. "Bon, c'est pas tout *protch*, mais maintenant, je vais devoir vivre en sachant qu'un gugusse veut me découper, et ce n'est pas une manière très *protch* agréable de vivre." "Vous sachant en *protch* danger, je ne vous laisserai plus seul tant que cette histoire ne sera pas réglée, cronch miam." "Mais vous savez, vous pouvez vivre *protch* votre vie. Vous sentez pas obligé d'être mon *protch* garde du corps." "*protch* Non, vous êtes en danger, j'aide les gens en danger, miam cronch. Vous avez vu sa taille de toutes façons *protch*, il est tout petit, il peut entrer en entier dans ma gueule. S'il tente quoique ce soit *protch*, je le mange protch protch, euh cronch cronch." "Bon, *protch* si vous le dites." "J'ai peut-être une idée, protch cronch. Vous êtes scientifique, et le jardinier *protch* a l'air ouvert à la discussion. Et si on organisait quand même ce rendez-vous entre vous, que vous puissiez parler, cronch protch ?" "Vous voulez dire *protch* que je dois débattre avec quelqu'un qui veut ma mort ?" "C'est la liberté d'expression. *protch* De toutes façons, je vous l'ai dit, s'il vous attaque, je l'attaque, cronch cronch." "Vous avez une drôle de définition de la liberté d'expression mais soit. *proooootch* Ah, j'ai plus de pâtes." "Mais oui, essayez d'en savoir plus sur ses intentions, protch cronch, et puis après, peut-être qu'on pourra négocier." "Vous pensez vraiment que je peux le faire changer d'avis ?" "Non, mais au moins on aura essayé, cronch protch." "Vous finissez pas vos pâtes ?" "Non, j'aime pas la bolognaise, beurk beurk."
14.
Une table et deux chaises avaient été posées en plein milieu de la rue où habitait Théo-Gandalf. Ce dernier était assis sur l'une de ces deux chaises, le jardinier de l'extrême sur l'autre. Le crocodile était de son côté aux côtés du citron, surveillant les alentours, tout en essayant de trouver une position confortable sur le bitume dégravillonné. C'est ce dernier qui avait eu l'idée de cette disposition de débat exotique, comme quoi ça faisait plus dramatique vu que tout était en ruines autour d'eux. Le scientifique ouvrit le débat. "Alors, ... parlez-moi un peu de vous. Qui vous êtes, pourquoi vous voulez ma peau, vos hobbies, un peu, tout ça, ..." "Euh je m'appelle Louis Quatorze. Avec le samouraï Bernaud, vu qu'on aimait bien les couteaux, on a ouvert un dojo de jardinage pour les pros. Lui il fait samouraï sur son temps libre, et sur le mien, je suis ce qu'on appelle ... un Peleur de Peaux." "Mais ... le verbe peler, ça veut déjà dire 'enlever la peau', alors en fait, vous pelez la peau ... de la peau ?" "Euh, ça peut arriver s'il y a plusieurs strates, mais c'est surtout que 'peleur' tout seul, ça faisait un peu moche, alors j'ai ajouté un mot derrière. Euh donc je suis Peleur de Peaux, et je découpe surtout les agrumes, vu que cette catégorie de fruits compose la majeure partie de la population d'êtres vivants qui ont sous leur peau ... des pépins." "Je ... euh ... oui, admettons." "Euh et une fois que j'ai retiré la peau, je peux donc enlever les pépins. Et du coup, les agrumes ont plus de pépins et vivent mieux, je suppose." "... ... ... quoi ?" "Euh autrefois, j'étais membre d'une espèce d'organisation qui appelait ça des tracas, et leurs idées, c'était de rendre les tracas agréables, de faire apprécier leurs pépins aux gens, car il paraît que les tracas sont de toutes façons inévitables, donc qu'il fallait apprendre à vivre avec et s'en réjouir. Euh moi au final, j'étais pas trop d'accord, et vu qu'on pouvait appeler ça des pépins aussi, je me suis dit qu'il était plus simple de se débarrasser de nos pépins plutôt que de chercher à ce qu'ils prennent toute la place." "Je ne comprends absolument pas du tout ce que vous me racontez." "Euh bon, ça tombe bien, j'ai une pastèque." Louis Quatorze avait amené avec lui un petit sac, duquel il sortit une pastèque morte pour la poser sur la table. Il prit également un couteau. Le crocodile se mit sur ses gardes. "Euh voyez-vous, la pastèque est un fruit que l'on compare souvent à un grand verre d'eau. Pour autant, tel quel, ce fruit est imbuvable. Euh vous suivez ?" "Je vais essayer." "Euh pour faire en sorte que cette pastèque ne soit plus imbuvable, il faut d'abord que je pèle sa peau. Alors je prends mon couteau comme ceci, tchoc, tchoc. Et voilà, ma pastèque n'a plus de peau, on ne voit que ce qui est sous la peau, à savoir le fruit." "C'est fabuleux." "Euh pour autant, on ne peut toujours pas boire ce fruit, car il est plein de pépins. Il faut d'abord les retirer, sinon c'est nous qui aurons des pépins, dans le corps, et ce sera un sacré pépin de digérer ces pépins. Euh donc, ... j'enlève les pépins, et on a un fruit qui n'est plus imbuvable, on peut se rassasier car on n'a plus soif, plus de pépin." Louis Quatorze avait fini son explication. Théo-Gandalf mit un moment à répondre. "... ... ... quoi ?"
15.
La seconde partie du débat avait débuté, Théo-Gandalf tentait désormais de raisonner Louis Quatorze. "Vous ne vous êtes jamais dit que découper la peau des gens ... ça leur fait mal ?" "Euh oui." "... et que les gens n'aiment pas avoir mal ?" "Euh oui, mais les gens n'aiment pas avoir de pépins non plus." "Et le consentement, vous en faites quoi ? Si la personne refuse d'être découpée ?" "Euh ça veut dire qu'elle préfère avoir des pépins, mais ce n'est pas une réflexion sensée." "Parce que la votre des réflexions elle est sensée ?" "Euh oui, la peau est découpée, mais la douleur est moindre par rapport à ce que fait un pépin s'il est laissé tel quel." "Mais, ... j'ai des pépins moi aussi ! Et je m'y suis habitué !" "Euh vous êtes un de ces représentants du tracas agréable alors, vous avez préféré vous habituer à vos pépins plutôt que de les enlever." "Et puis vous mélangez aussi les pépins physiques des pépins métaphoriques pour désigner un ennui." "Euh, ça reste des pépins." "Justement, c'est noble de votre part de vouloir que les gens aillent mieux, mais quitte à enlever les pépins, vous pouvez pas plutôt enlever les pépins métaphoriques, qui n'imposent pas de changer les agrumes en charcuterie ?" "Euh non, parce que j'ai mon expérience de jardinier de l'extrême, et que je peux mettre mes compétences à profit pour enlever les pépins sous la peau. Euh c'est une expertise que je mets à profit pour servir une noble cause comme vous dites." "MAIS C'EST PAS NOBLE DE LAISSER LES GENS MOURIR COMME VOUS LE FAITES ! CLÉMENTINE L'ORANGE, VOUS L'AVEZ DÉCOUPÉE ET LAISSÉE POUR MORTE DANS MA RUE, ELLE POUVAIT PLUS BOUGER SANS RISQUER LA MORT ! VOUS LUI AVEZ PEUT-ÊTRE ENLEVÉ DES PÉPINS PHYSIQUES, MAIS VOUS AVEZ CRÉE UN PÉPIN MÉTAPHORIQUE, UN PÉPIN CONSIDÉRABLE MÊME, VU QUE VOUS AVEZ FAILLI LA TUER !!" "Euh mais je vous ai dit, mon expertise, c'est les pépins sous la peau." Théo-Gandalf perdait de plus en plus son calme, le Peleur de Peaux de son côté n'avait toujours pas changé de ton, il restait très calme, et distribuait ses réponses d'une manière si froide qu'elle aurait résolu le problème du réchauffement climatique. "... vous découpez les gens sans leur consentement, même en médecine ils vous demandent votre avis avant de vous enlever un cancer." "Euh mais pas tout le temps, si la personne peut plus répondre on peut plus savoir, et ça donne des débats sur l'euthanasie ensuite." "Mais les gens que vous découpez sont en état de répondre !" "Euh s'ils veulent vivre avec leurs pépins, c'est qu'ils ne pensent plus raisonnablement, car j'en reviens à l'argumentaire des fanatiques du tracas agréable." "Et une fois l'opération terminée et le cancer enlevé, les chirurgiens font en sorte que le patient puisse encore vivre ensuite. Ce que vous n'avez pas fait pour Clémentine." "Euh parce que je suis Peleur de Peaux, pas Dépeleur de Peaux." "Et vous n'avez pas songé à arrêter d'être Peleur de Peaux tant que vous n'aviez pas reçu de formation de Dépeleur de Peaux ?" "Euh mais cette formation n'existe pas. Vous inventez des métiers, là." "MAIS PELEUR DE PEAUX ÇA EXISTAIT PAS NON PLUS AVANT QUE VOUS DÉBARQUIEZ, PAUVRE TÂCHE." "Cronch cronch, Théo-Gandalf, vous vous emportez, vous aviez raison, ce débat ne menait à rien, c'était une mauvaise idée, venez, on rentre, crounche crounche." "Euh, du coup, on se dit quel jour pour le rendez-vous pour vous découper ?" "GNNGHGNHGNHNGGHGNHGGHNG."
16.
Théo-Gandalf s'était à nouveau évanoui, et au réveil, il se trouvait à proximité de la maison de Louis Quatorze. Le crocodile était toujours avec lui. "Bien dormi, cronch cronch ?" "Je me suis encore endormi ?" "Oui, mais vous vous réveillez à temps cronch cronch, j'ai appelé les forces de l'ordre pour qu'elles tentent un assaut sur la maison du jardinier, et elles étaient d'accord vu que ça impliquait de casser des trucs, cronch cronch." "Ah." Sur ces mots, une force de l'ordre s'approcha de la maison du jardinier. Il s'agissait d'un dinosaure-tractopelle. "Un dinosaure-tractopelle ?" "Oui cronch cronch, c'est une amie qui fait sept mètres de haut, elle a un corps de diplodocus et une tête de pelleteuse, c'est pratique pour les assauts, cronch cronch." "Bon, si vous le dites." Le dinosaure-tractopelle saisit son haut-parleur, il s'agissait d'un tube de carton, afin de hurler ses droits à Louis Quatorze avant de charger. "Louis Fernand Quatorze, co-gestionnaire du dojo de jardinage de l'extrême de Hertzenfoulchenheim, détenteur d'une licence professionnelle botanique et agriculture option outils de maîtrise du jardinier spécialité sécateur, autoproclamé Peleur de Peaux suite au déchiquetage de l'écorce de la dénommée Clémentine l'Orange, petit monsieur ; au nom de la loi du village de Hertzenfoulchenheim, circonscription du dividende de secteur Presque Quart-Est de l'Univers Feuillu, je vous place désormais en état d'arrestation sous la juridiction du gouverneur du village voisin, pour trouble à l'ordre public, pratique illégale multirécidiviste et non réglementée de la chirurgie sur agrumes non consentants, et menaces de mort ; veuillez sans plus tarder quitter votre domicile afin de vous rendre aux forces de l'ordre de Hertzenfoulchenheim, et ce en gardant vos mains bien visibles au-dessus de votre tête si vous disposez de mains et d'une tête, autrement veuillez vous référer à l'article 712-P du Code de la Propriété Intellectuelle alinéa 4 sur les procédures d'arrestation de personnes aux corps jugés non conventionnels par le Traité de la ville de Traité établi en l'an Y ; un refus pouvant entraîner une perquisition de votre domicile avec l'usage de la force tel que réglementée par le Code de la Consommation et du Commerce à l'article deux." "Franchement, Louis Quatorze a eu le temps de filer sept fois avant la fin de la lecture de ses droits." "On devrait pas avoir de droits, cronch cronch." L'intuition de Théo-Gandalf était correcte, le jardinier était absent de son domicile. Dix minutes s'étaient écoulées depuis la lecture des droits, sans réponse de l'intéressé, la force de l'ordre pouvait donc désormais mener l'assaut. "C'est pas quinze minutes la durée réglementaire ?" "Si, mais y'a pas de contrôle des bavures, cronch cronch, alors les forces de l'ordre sont plutôt libres d'agir comme elles le sentent." Un vacarme assourdissant était émis par la destruction du domicile de Louis Quatorze. Puis une fois le domicile réduit en miettes, le dinosaure-tractopelle s'en alla. "Mais, elle part juste comme ça, sans chercher d'indices sur où pourrait être le Peleur de Peaux ?" "Bah oui, cronch cronch, vous avez pas entendu les droits ?" "Je me suis endormi au milieu." "Le domicile a été perquisitionné, mais c'est tout, cronch cronch. C'est déjà bien." "Bon bah je vais mourir alors."
17.
Deux jours étaient passés depuis la destruction du logis de Louis Quatorze. Théo-Gandalf sombrait néanmoins dans l'angoisse à l'idée que le jardinier vienne lui ôter son écorce, et n'osait plus quitter son domicile. Le crocodile ne le quittait plus non plus, mais s'inquiétait malgré tout pour sa santé. "Écoutez, cronch cronch. Il ne faut pas que vous dépérissiez non plus, tenez, ça vous dit une petite virée au supermarché, pour vous changer les idées, cronch cronch ? Même si c'est pour rien acheter, ils passent toujours des musiques sympa sur leur radio." "Et s'il allait au supermarché lui aussi ? S'il me voit il va me découper ?" "Mais non, je vous promets qu'on verra pas Louis Quatorze au supermarché, cronch cronch." Le duo se rendit finalement au supermarché. Après quelques pas, il arriva dans le rayon des balais, où il vit ... Louis Quatorze ! "VOUS M'AVEZ MENTI IL EST LÀ !" "Je pouvais pas savoir cronch cronch !" "ET BIEN FAITES PAS DES PROMESSES QUE VOUS POUVEZ PAS TENIR !" "Euh je vous entends, vous savez. Bonjour, au passage." "NE M'APPROCHEZ PAS !" "Euh mais je vous ai rien fait." "Qu'est-ce que vous fichez ici, cronch cronch ?" "Euh et bien, j'avais quitté ma maison pour aller peler la peau d'une pomme, j'ai récupéré ses pépins, et en revenant, il y avait un tas de gravats à la place de ma maison. Euh donc là je viens acheter un balai pour nettoyer." "VOUS MENTEZ ! VOUS M'AVEZ SUIVI, ET VOUS ÊTES LÀ POUR ME DÉCOUPER MOI AUSSI." "Euh non, comme je vous dis, j'ai besoin d'un balai, alors je viens dans le rayon des balais pour acheter mon balai. Vous pouvez commencer." Cette dernière phrase était adressée au rayon des balais. Il se trouve en effet que dans ce supermarché, les balais parlent, et doivent prospecter les clients du magasin pour être vendus. À la demande de Louis Quatorze, les balais se sont donc succédé pour se présenter : "Je dispose de poils soyeux, détachés directement d'un yack des plus hautes régions de l'Univers Feuillu. Leur robustesse n'est plus à prouver, ils sont capables de nettoyer n'importe quoi, et vous pouvez compter sur mon manche en titane pour ma solidité." "Ne cherchez plus le balai de l'an 3000 ! C'est moi ! Doté d'une batterie en lithium, vous pouvez me connecter à votre smartphone depuis une application qui vous géolocalise et détecte le taux d'humidité de votre rue, et adapte ma force de nettoyage en fonction !" "Mon bois est composé à 78% de bois recyclés issu de filières équitables, où le producteur est rémunéré à hauteur de 46% du prix final du produit. Ma partie nettoyante est quant à elle intégralement végétale, car composée de noix de coco également recyclées." "Je suis le moins cher !" Les balais avaient fini leur exposé. La parole était à Louis Quatorze. "Euh, je vais prendre le recyclé." "VOUS M'AURIEZ PAS UN PEU OUBLIÉ PAR HASARD ?" "Euh, mais je croyais qu'il fallait pas s'occuper de vous pour le moment, mais ne vous inquiétez pas, j'ai prévu de passer chez vous dans la semaine. Euh n'hésitez pas à prendre des bains chauds d'ici là, ça va ramollir votre écorce et ça me facilitera le travail." "GNNGHGNHGNHNGGHGNHGGHNG." "Euh bon je vous laisse, tenez, si vous avez besoin de vous détendre, écoutez un peu la radio du magasin, c'est mon père qui chante en ce moment, et ses musiques sont connues pour apaiser les gens." Théo-Gandalf tendit l'oreille pour entendre la radio, et fut tétanisé en entendant les paroles qui en sortaient : "... Et quand bien mêêêêême, je mange des clous." Gandalf le Chanteur était le père de Louis Quatorze.
18.
"Vous m'apportez des nouvelles bien tristes, mais je vous remercie de le faire. Je suis sincèrement désolé que mon fils vous menace de mort à ce point, je ne pensais pas qu'il deviendrait ainsi, et j'admets que c'est en partie de ma faute. J'ai voulu profiter de ma carrière dans la chanson pour élever Fernand dans le bonheur de ne jamais manquer de rien, mais cette carrière a choisi de partir en chute libre quelques mois après sa naissance. Comme beaucoup de stars de l'époque, j'ai cru que ma gloire me protégerait du besoin pour le restant de mes jours, mais je me trompais lourdement. Cette gloire n'a été qu'éphémère. J'ai chanté que je mangeais des clous et cela m'a apporté le succès, mais peu de personnes m'ont suivi au-delà de ce tube. J'étais passé de star à ringard en deux ans. Mais je ne pouvais pas me permettre d'abandonner mon fils, il avait besoin de moi. Alors j'ai chanté le titre 'Je mange des clous 2', puis 'Je mange des clous 3', mais il était déjà trop tard. Les ventes de ces morceaux n'ont pas atteint 1% de la popularité de l'original. Je devais continuer à chanter, je n'avais pas le choix, mais tout ce que me rapportait ma musique suffisait à peine à couvrir les besoins de Fernand, et les miens passaient systématiquement en second plan. C'est à ce moment que j'ai craqué. J'ai voulu faire de mon fils une star de la chanson à son tour, alors je lui ai peu à peu appris à être utilisé. Au début, j'en faisais un jeu, je lui disais 'Allez, on joue au microphone !', et je lui passais un micro, il pouvait chanter ce qu'il voulait, et je lui donnais des conseils pour s'améliorer, chanter mieux encore. Et le temps a passé, mais le chant l'intéressait de moins en moins. Il grandissait, et ce n'était plus un enfant qui voulait jouer au microphone tout le temps, mais je ne l'ai pas compris tout de suite. Je l'ai forcé à suivre des cours de chant, à participer à des concours dans l'espoir de gagner des prix même si c'était un panier garni, à travailler sa voix et sa prestance jusqu'à 100 heures par semaine, c'était inhumain, mais je lui disais qu'il se donnait de manière exceptionnelle, et qu'il en ferait quelque chose d'exceptionnel. Il ne voulait pas chanter, mais je l'ai contraint. J'ai fait jouer son empathie en lui disant qu'on avait ... des pépins. Un jour, il a décroché un contrat pour un titre avec un célèbre DJ. On allait peut-être sortir la tête de l'eau, mais je crois que c'est ce jour-là que quelque chose s'est brisé en lui. Le deal était simple : le producteur de la chanson voulait vendre ce titre comme 'le titre du fils de Gandalf le Chanteur, son hommage à son héritage', et il ne croyait pas si bien dire, le titre en question se nommait 'J'ai mangé des pâtes', en référence à 'Je mange des clous'. Fernand était intimidé. Il haïssait toujours plus le chant, et je ne l'ai pas vu. Il contenait en lui une rage qui a explosé sous une forme inattendue, en enregistrant la chanson. Il a joué au microphone, mais il ne pouvait subitement plus commencer aucune phrase sans la ponctuer ... d'une hésitation. Il a chanté tout au long du morceau, mais toute sa performance était bâclée. Il ne cessait de chanter 'Euh j'ai mangé des pâtes. Euh j'ai mangé des pâtes. Euh j'ai mangé des pâtes. Euh j'ai mangé des pâtes.'. Le DJ était déçu de cette performance, mais ne pouvait décommander Fernand, il avait payé le contrat très cher et ne pouvait y renoncer. Pour éviter une catastrophe dans les charts, il a donc retiré le nom de Fernand des crédits de la chanson, et rebaptisé le titre 'J'ai mangé des pâteuh.' pour que l'hésitation ait l'air normale. Le soir-même, Fernand m'a annoncé vouloir quitter le domicile, qu'il en avait assez de jouer au microphone, qu'il changerait de nom pour repartir à zéro, et il m'a promis qu'au devant de ce qu'il avait vécu, plus jamais personne n'aurait de pépins. Avec le temps, j'ai compris tout le mal que je lui avais fait, mais je n'aurais jamais cru que de jouer avec un microphone aurait mené à ces conséquences si désastreuses. Je dois réparer ce que j'ai fait, je vais sauver mon fils."
19.
Le soir tombait à vue de nuit. Louis Quatorze avait reçu un e-mail sur son téléphone portatif. Il provenait d'une personne inconnue qui lui donnait rendez-vous au sommet du Pont de Métal du village voisin, avec la promesse de venir avec des pépins. Nul n'en fallait davantage pour motiver le Peleur de Peaux à se rendre au lieu sus-dit. Le Pont de Métal du village voisin était une structure impressionnante. Construit à partir de plusieurs millions de tonnes de différents métaux, il culminait à deux mille mètres de haut et s'allongeait sur une dizaine de kilomètres, et permettait de relier la Rue des Trains et la Rue des Avions, deux rues qui n'étaient en temps normal séparées que d'une dizaine de mètres. En résumé, ce pont avait donc la forme de la lettre O, et ne servait à rien, si ce n'est gâcher le paysage. Théo-Gandalf le Citron n'était pas loin de ce pont, il observait le sommet avec une paire de jumelles, parce qu'il voulait vraiment pas croiser le jardinier. Mais le crocodile était bien présent pour accueillir le criminel, qui venait d'arriver." "Bonjour, groar groar." "Euh bonjour." L'ambiance était tellement sèche qu'il s'est mit à pleuvoir à ce moment, pour qu'un trop grand déséquilibre climatique soit évité. "Euh, c'est vous qui m'avez donné rendez-vous par courriel ?" "Oui, groar groar, je joue l'intermédiaire pour une autre personne qui souhaite vous parler." "Euh si c'est le scientifique, je lui ai déjà dit que je passerai la semaine prochaine." "Ce n'est pas Théo-Gandalf." Le crocodile se retourna, le tonnerre gronda, de Gandalf le Chanteur venait cette voix. "Euh bonjour papa." "Bonjour Fernand." "Je vous laisse, cronch cronch, vous avez certainement beaucoup de choses à vous dire." "Euh mais pourquoi vous êtes là en fait ?" "Votre père n'avait pas d'adresse mail cronch cronch, alors j'ai envoyé le message à sa place." "Euh et pour le pont ?" "Je venais un peu profiter de la vue, mais c'est raté, le temps est atroce, groar groar." Le crocodile commença à essayer de descendre du Pont de Métal, mais la pluie ne rendait pas la chose aisée. La chaussée était glissante car en effet, quand on marche sur du métal mouillé, ça glisse. Les retrouvailles entre le père et le fils n'étaient pas facilitées non plus. En effet, en essayant de tenir leur discussion, ils ne purent s'empêcher de glisser à leurs tours à chaque phrase, tout en poussant de petits cris de surprise. "Euh ça va ?" wouh "Tu m'as extrêmement déçu" ooh "Fernand." "Euh c'est Louis Quato" ooo "rze désormais, papa." "Tu seras toujours mon Fernand, Fernand" iih ", même si tu pèles des gens, mais cela me déçoiaaaAAAAAAAA" Gandalf le Chanteur avait glissé sur plusieurs mètres et était tombé du pont ! Quelques instants plus tard, Louis Quatorze était descendu du pont, non sans glisser à maintes reprises, mais sans chuter. Nul doute que son père avait des choses à lui dire, mais il était trop tard, il était décédé spontanément des suites de sa chute. Le crocodile attendait en bas. Le jardinier n'avait pas l'air plus sous le choc que ça, mais observa un moment le corps de son père, en déclamant un hommage, sans jamais marquer une seule hésitation. "Il est venu avec ses pépins au sommet de ce pont, et a terminé son voyage avec eux. Il a bâti toute mon existence autour de ces pépins, et ceux-ci nous ont dévoré tous les deux. Tout ceci était vain depuis le début. Jusqu'à leur mort, les gens porteront leurs pépins en eux. Ça ne sert à rien de les enlever, car il en revient en permanence. Et à leur mort, leurs pépins restent sous leur peau, cette peau qui les aura protégé jusqu'au bout. Cette peau a protégé mon père, et est maintenant en mille morceaux, mais ses pépins sont toujours en lui. Si je veux que les pépins soient détruits à la mort de leur porteur, je dois leur retirer cette protection. Je dois être le Peleur de Peaux, je dois peler, toutes les peaux, de tout le monde, pour que sous la peau, les pépins périssent." Louis Quatorze leva la tête en direction du crocodile. "Prévenez votre ami, il sera le premier à être pelé demain, puis je pèlerai la peau du monde entier."
20.
Il n'y avait plus une seconde à perdre pour qui que ce soit. Le combat final approchait, et Théo-Gandalf était en grand danger de décéder. Bien que l'on parle des méfaits commis par le Peleur de Peaux depuis un moment maintenant, nul ne connaissait son mode opératoire. Il a commencé à découper Clémentine l'Orange alors qu'elle était consciente et en lui faisant croire qu'il s'agissant d'un accident ; et on savait qu'il avait découpé une pomme, et que celle-ci avait été retrouvée au milieu de la route, écrasée par un camion peu après. Ne sachant donc pas comment Louis Quatorze allait agir, le crocodile et le scientifique décidèrent de chercher des renforts, en instaurant une campagne de recrutement accélérée. Pour cela, l'une des inventions de Théo-Gandalf fut utilisée : un skateboard d'argent. Il s'agissait d'un skateboard recouvert du métal argent, qui permet de décupler l'aérodynamique du véhicule. Ainsi, le crocodile et le scientifique pouvaient parcourir les rues de Hertzenfoulchenheim à une vitesse phénoménale, et ainsi croiser un nombre de personnes astronomique, et donc alpaguer plein de monde en espérant que quelqu'un serait intéressé pour les aider à terrasser un déchiqueteur. Ils avaient pour cela installé un drapeau avec le logo d'une agence d'emploi sur le skateboard pour que les gens soient obligés de monter contre leur gré. Seul problème : au vu de la vitesse du skateboard, il était impossible de freiner régulièrement sans se mettre en danger, et les entretiens devaient donc s'effectuer alors que le véhicule était encore en train de rouler. Le crocodile se chargea alors de capturer des gens pendant le trajet pour les faire monter sur le skateboard, et Théo-Gandalf les interrogeait. Chaque entretien ne devait pas dépasser les cinq secondes, car le skateboard ne pouvait pas accueillir plus de personnes que ça, et qu'il fallait interroger un maximum de passants. À l'issue de chaque entretien, le crocodile éjectait le candidat du véhicule pour en capturer un autre. Le contexte étant placé, découvrons à présent un extrait de ce voyage, qui se déroule sur une minute : "Cronchcronch ! J'en ai un !" "Ouaaah mais qu'est-ce qu'il se passe ?" "Bonjour monsieur, je suis Théo-Gandalf, voici mon camarade crocodile, nous cherchons des gens pour nous aider à capturer un tueur, ça vous intéresse ?" "Certainement pas, laissez-moi tranquille." "Très bien barrez-vous." "AAAAaaah." "Cronchcronch en revoici !" "Mais lâchez-moi, je dois aller bosser !" "Bonjour monsieur, je suis Théo-Gandalf, voici mon camarade crocodile, nous cherchons des gens pour nous aider à capturer un tueur" "Je m'en fiche, je suis à la bourre, foutez-moi la paaiiiiiiiiiix !" "Cronchcronch, la fille là-bas !" "AAAAAH !" "Bonjour madame, je suis Théo-Gandalf, voici" "Par pitié, j'ai déjà fait un don, relâchez mes enfants !" "Euh non c'est pas nous mais c'est trop tard mon confrère va" "AAAAAH !" "OOOOOH !" "Croco, est-ce que tu viens vraiment d'éjecter la candidate précédente en la percutant avec le candidat suivant ?" "Quoi ?" "Cronchcronch le temps est écoulé." "Eeeeeeh !" "Ne refaites plus ça, c'est trop dangereux de sauter une étape. Ah, excusez-moi je parlais à mon collègue. Bonjour monsieur, je suis Théo-Gandeh ! Mais laissez-moi finir l'entretien !" "Cronchcronch, on a dit cinq secondes par entretien !" "Vous êtes en-dessous !" "Cronchcronch, tenez un enfant !" "OUIIIIN !" "Bonjour petit, je suis Théo-Gandalf, voici mon camarade cro" "ÇA EXISTE PAS LES CITRONS QUI PARLENT !" "Et bien moi si et il se trouve que." "OUIIIIN !" "Vous pourriez être moins brusque avec les enfants !" "Cronchcronch on a pas le temps ! Tenez la suivante !" "AAAAAH !" "Bonjour madame, je suis Théo-Gandalf, voici eh ! Mais vous êtes la même personne que tout à l'heure !" "AAAAAH !" "Oups cronchcronch, je crois qu'elle a fait une mauvaise chute !" "Manoeuvrez ! Il y a un mur devaaaant !" Le crocodile et le citron s'étaient écrasés contre un mur, détruisant le skateboard au passage. Sur ces deux heures de trajet, ils n'avaient pu recruter personne. Ils se dirent qu'à la base, c'était quand même une idée stupide.
21.
Minuit approchait, demain aussi, ce demain que le Peleur de Peaux avait annoncé comme jour de passage. Il n'allait pas délivrer de lettre recommandée comme les facteurs, mais la mort ... Le crocodile et Théo-Gandalf étaient dépassés par la situation. Ils allaient devoir affronter Louis Quatorze seuls. Seuls ? Non, car un personnage qu'on avait partiellement oublié choisit de se manifester à ce moment. "Ah vous êtes là." réalisa Clémentine l'Orange Gravillonnnée qui entrait dans la même rue que nos deux gugusses. "Ah vous tombez bien, cronch cronch. Nous allons affronter le jardinier de l'extrême demain, voulez-vous vous joindre à nous cronch cronch ?" "Ah bah vous manquez pas d'air. Je vous ai vu l'autre jour discuter avec lui dans cette même rue. Vous étiez même en train de partager une pastèque." "Euh non," enchaîna Théo-Gandalf, " on essayait de comprendre son comportement dans l'idée de lui faire changer d'avis." "Ça ne change rien, ce monstre a déchiqueté ma peau et mis mon existence en danger. Pourquoi vous avez cherché à débattre avec quelqu'un qui attente à la vie de son prochain ?" "On ne voulait pas être convaincus, cronch cronch." répondit le crocodile. "On a voulu le raisonner, et ça n'a pas marché." "Vous me dégoûtez, dire que c'est vous qui m'avez sauvé la vie, en fait vous vouliez juste vous faire bien voir." "Mais puisqu'on vous dit qu'on est pas d'accord avec lui ! Et il y a de quoi ! Il m'a promis le même sort que vous pour demain !" "Ah bah vous avez le privilège d'être prévenu à l'avance, contrairement à moi." "Groar groar, vous n'avez pas plutôt une solution pour l'arrêter ?" "Et bien j'aurais bien une idée ... il existe un feutre, à l'encre si indélébile qu'il fut caché voilà bien longtemps par le conseil municipal de Hertzenfoulchenheim, qui craignait qu'on l'utilise à mauvais escient. Ce feutre est si puissant que si l'on passe son encre sur notre peau, cela lui offre une couche de protection impossible à transpercer, impossible à peler." "Oui cronch cronch, mais si l'encre est indélébile, ça veut dire qu'il faudra garder cette encre sur sa peau pour le restant de ses jours, voire au-delà, cronch cronch." "C'est ça ou ne pas avoir de peau et mourir." "Bon très bien, mais si le feutre est caché, on aura jamais le temps de le trouver d'ici demain, et je vais quand même mourir du coup." "J'ai fait partie du conseil municipal, je sais où est ce feutre. Il n'est pas loin. Disons que je vous dis où il est, ça sauve votre vie, comme ça on est quitte et je n'aurai plus à entendre parler de vous ensuite." "... bon d'accord, sauvez-moi, merci d'avance." "Il est sous une trappe au sommet du Pont de Métal, tout en haut." "Mais le crocodile y était voilà quelques heures ! Vous auriez pas pu le dire plus tôt ?" "Vous allez être horrible jusqu'au bout en fait. Débrouillez-vous maintenant, et adieu !" Clémentine s'en est allée. "Cronch cronch, ce qu'elle oublie de dire, c'est qu'à cause des accidents de glissades, le pont a été fermé entre-temps pour rénovations, on peut plus monter tout en haut." "Ça dépend, faites-moi la courte échelle pour voir !" Pour arriver tout en haut du pont, il fallait atteindre les deux mille mètres de hauteur. Le crocodile se mit debout, et Théo-Gandalf grimpa sur lui, mais ils peinaient à dépasser les six mètres, même en sautillant un peu. Le scientifique dut livrer une constatation : "Oui non, c'est trop haut en vrai."
22.
La journée qui venait allait être difficile. Théo-Gandalf décida de passer une bonne nuit de sommeil avant d'affronter le Peleur de Peaux. Le crocodile restait dans la pièce d'à côté pour surveiller les environs, mais s'assoupissait aussi de temps en temps, parce que toute cette épopée restait assez fatigante tout de même. En s'assoupissant également, Théo-Gandalf fit un rêve. Il était dans la pénombre. Il voyait à peine ce qui se dressait devant lui, si ce n'est une zone plus lumineuse. Il s'en approcha. Des notes de piano résonnaient. Ce piano était dans la zone lumineuse. Le scientifique s'approcha à nouveau. Le pianiste n'était autre que Gandalf le Chanteur, qui jouait les notes de sa chanson 'Je mange des clous', de manière assez lente. Il chantait également. "Et quand bien mê-ê-ême je mange des clouuus." Toujours dans la pénombre, Théo-Gandalf se permit un commentaire. "Attendez, mais vous êtes vivant ?" "Non Théo-Gandalf, je suis bien mort, vous êtes dans un rêve, et je passe vous faire un dernier coucou avant votre affrontement demain." "Ça veut dire que les morts peuvent hanter les rêves ?" "Ça où alors je suis une représentation de votre subconscient." "C'est intéressant comme sujet, ces rêves lucides. J'aurais bien fait une thèse dessus si je n'allais pas mourir demain." "Vous êtes bien défaitiste. Vous pensez vraiment que vous allez perdre face à mon fils ?" "Faut dire que votre mort a pas facilité les choses, maintenant il a l'air énervé, alors qu'avant il avait pas l'air de ressentir d'émotion." "Je suis vraiment désolé. J'ai toujours cru que les conversations sur la météo ne servaient à rien, et au final, c'est la météo qui m'a tué. Quelle indignité." "Ne vous excusez pas, ça arrive à tout le monde de mourir. Même moi." "À ce point-là, je crois que vous avez vraiment envie d'en finir. Dois-je vous rappeler que vous ne savez même pas comment mon fils opère, ni combien de personnes ont été ses victimes ? Il n'est pas forcément un tueur professionnel, si vous résistez, vous pouvez vous en sortir !" "Il sait jongler avec des sécateurs quand même." "... oui, j'avoue c'est chaud." "Et il est déterminé. Il n'a pas bronché une seule fois pendant notre débat, comme si faire du mal aux gens était naturel pour lui. Tant qu'il n'aura pas eu ma peau, il m'attaquera." "Alors c'est peut-être à vous de mettre un terme à ses agissements." "Vous voulez que je tue votre fils ?" "On pourra peut-être avoir une discussion sans glisser, dans l'au-delà." "Vous souhaitez la mort de votre fils ?" "Je représente votre subconscient, pas votre morale. Le vrai Gandalf le Chanteur aurait peut-être eu une opinion différente." "Vous cassez vachement l'ambiance quand même. Normalement, dans des rêves de ce genre, les morts doivent donner des conseils utiles." "Bah écoutez, ma vie se résume à avoir chanté que je mangeais des clous. Et mes autres chansons sont pas plus utiles que ça, vous les connaissez bien. Désolé de pas avoir été un chanteur engagé ou imaginatif. Allez, maintenant, levez-vous." "Je me lève ?" "Levez-vous ..." Le visage de Gandalf le Chanteur se muait peu à peu en visage de Louis Quatorze. Théo-Gandalf avait ouvert les yeux car oui ! Les citrons ont des yeux, c'est juste qu'on les voit pas. Face à lui se dressait Louis Quatorze, qui était entré alors que le crocodile était assoupi. Il avait un épluche-patates en main. Bien que la nuit était encore en cours, nous étions demain, le demain où le Peleur de Peaux avait promis son arrivée. Le Peleur de Peaux qui avait annoncé sa venue avec ces deux mots : "Levez-vous ..."
23.
Théo-Gandalf quitta son domicile avec précipitation, en sautant par la fenêtre, cette même fenêtre où il avait lu la lettre, entendu Clémentine l'Orange pour la première fois, et plein d'autres choses encore. La chute ne fut pas bien haute mais n'en resta pas moins brutale. Il fallait rappeler que la route manquait de gravillons, et qu'y chuter, c'était la promesse de se faire de sacrés bobos. Les corps des vélocyclistes n'avaient toujours pas été enlevés non plus, de même que celui du crocodile. Ce crocodile qui était toujours également présent au domicile du scientifique mais qui ne s'était pas réveillé. Le citron n'avait pas le temps d'assimiler et d'analyser toutes ses informations, ... il devait fuir. "Attendez-moi, ..." soupirait le Peleur de Peaux. "Si vous bougez trop, vous aurez encore plus mal." Mais Théo-Gandalf avait déjà mal, vu qu'il avait atterri sur le bitume sans gravillons. Il avait perdu une partie de son écorce. "Tenez, en voilà des bouts de peaux !" "Non mais ça suffit pas, faut que j'enlève tout, sinon ça protège encore trop." Louis Quatorze lança son épluche-patate, que Théo-Gandalf put esquiver. Il en avait d'autres avec lui, alors le scientifique reprit sa course tant bien que mal, en sautillant au-dessus des vélocyclistes. Il courait, il courait, il courait sans discontinuer. Il découvrait par la même occasion des rues d'Hertzenfoulchenheim dans lesquelles il n'était jamais passé, des rues encore encombrées de tables basses, ... mais surtout des rues désertes. On était en plein milieu de la nuit, plus personne ne circule à cette heure-là. Faut dormir à un moment. Le scientifique ne savait pas où aller, ne savait pas ce qu'il faisait. Lui qui avait toujours tout contrôlé dans ses expériences était perdu, paniqué. Le Peleur de Peaux le suivait, sans courir néanmoins, mais en étant assez agile pour ne jamais se laisser distancer. Parfois il lui lançait des épluche-patates, parfois des ustensiles de jardinerie, comme des sécateurs, des pieds de tomate, parfois même des fraisiers entiers ! Le citron aurait dégusté ces fraises en temps normal, mais le temps n'était pas normal, il n'avait pas le temps. Ces divers projectiles atteignaient parfois Théo-Gandalf, parfois non. Son écorce prenait des coups, il se tordait de douleur, il hurlait, mais devait continuer de courir. Louis Quatorze semblait disposer de ressources illimitées, il ne faiblissait pas. Son expérience de jardinier de l'extrême était mise en avant. Il s'agissait bien d'un professionnel, contrairement à ce que laissait suggérer son ersatz de père dans le chapitre précédent. Mais victoire ! Les renforts arrivaient ! Le crocodile s'était réveillé et était parvenu à retrouver Théo-Gandalf en chevauchant une grue-grue ! Il s'agissait de l'oiseau grue sur lequel avait été posé l'engin de chantier grue. Du coup, quand l'oiseau grue s'envole, le sommet de l'engin de chantier grue était encore plus haut qu'en temps normal. Le crocodile étant très haut dans le ciel, il avait pu bénéficier d'une vue optimale pour retrouver le citron. Il hurlait à présent depuis la grue-grue : "Louis Quatorze, cronch cronch ! Rendez-vous !" "Vous êtes très haut, faites attention de pas tomber." "Si vous voulez une peau, prenez la mienne ! Je suis capable de muer instantanément ! Ma peau est illimitée !" "Ah mais c'est votre peau qui est dans ma rue alors !" réalisa Théo-Gandalf en étant essoufflé. "C'est votre peau qui a arrêté les vélocyclistes l'autre fois, c'est pas vous directement ! Vous êtes pas magicien alors !" "Oui, désolé de vous avoir menti, cronch cronch, c'était pour l'effet de spectacle. On m'a même mis dans le journal, ils avaient fait un titre rigolo, ça disait 'Hugo le Croco, le magicien qui détruit des vélos', cronch cro" Le crocodile n'eut pas le temps de finir sa phrase, sa grue-grue avait percuté le Pont de Métal parce qu'il n'était pas attentif. Il put atterrir sans mal sur le sommet, mais était désormais trop loin de l'action pour être d'une quelconque utilité pour Théo-Gandalf. La prochaine fois, il fera attention en conduisant. Théo-Gandalf continuait de courir, et était désormais sorti de la ville, il avait couru pendant bien trop de kilomètres et commençait à être épuisé. Le Peleur de Peaux le suivait sans relâche, toujours doté de son flegme habituel, et disposant toujours de nombre d'outils tranchants mettant la peau du citron en péril. Ce dernier avait désormais posé le pied sur un tapis rouge car oui ! Les citrons ont des pieds. Une des extrémités de ce tapis débutait à quelques mètres d'ici, et le reste du tissu se déroulait dans une forêt. "Ah, parfait." constata le jardinier de l'extrême. "Vous êtes arrivé au meilleur endroit pour être découpé, suivez le tapis, on va terminer le processus à l'autre bout." Théo-Gandalf était faible. Il perdait toujours plus d'écorce, et sentait son heure arriver. Il en avait assez, et avait compris que c'en était fini. Alors il choisit d'obéir au Peleur de Peaux, et d'avancer le long du tapis. Bien que Louis Quatorze s'était fait comprendre, il continuait de lacérer Théo-Gandalf le long du chemin, avec l'un de ses épluche-patates. Le scientifique continuait de s'affaiblir, et laissait toujours plus de peau derrière lui. Puis les deux gugusses étaient parvenus à l'autre bout du tapis, qui terminait en un autre gros tapis de forme circulaire et concave. Il s'agissait d'une ancienne zone de sacrifice, où l'on sacrifiait à peu près tout et n'importe quoi quand on savait pas quoi faire. Arrivés au centre du tapis, le Peleur de Peaux commença son rituel. "Bon, vous verrez, ça fait pas mal." dit-il, ... puis transperça Théo-Gandalf avec son épluche-patates. Et un cri atroce fut poussé. Un coup fatal avait été porté ...
24.
Ce coup fatal, c'est celui qu'avait reçu le Peleur de Peaux. Un feutre avait traversé son corps et l'avait découpé en deux. Ce feutre avait été projeté de très haut dans le ciel ! L'épluche-patates n'étant pas planté profondément dans la peau de Théo-Gandalf, ce dernier put le retirer avant de s'effondrer au sol et de regarder dans le ciel. Il y avait une grue-grue ! "Croco ! Je savais que je pouvais compter sur vous ! Merci !" "Faut forcément que ce soit votre pote. Il a pas l'exclusivité des grues-grues, vous savez." C'était Clémentine l'Orange Gravillonnée qui était au sommet. "Ah, c'est vous ..." constata le scientifique, ravi de revoir son amie. "Et bien oui, votre ami s'est écrasé juste à côté de la cache du feutre, mais vu que sa grue-grue était cassée, il pouvait pas vous l'apporter. Vu que je vous ai suivi à bord d'une autre grue-grue, j'ai pris le relais. Puis je me suis dit que la pointe du feutre était tout de même assez tranchante pour zigouiller quelqu'un, alors j'en ai profité pour mettre un terme au Peleur de Peaux." "Vous m'avez sauvé la vie, merci beaucoup." "C'est pas pour vous que j'ai fait ça, c'est pour tous ceux qui auraient subi ce monstre par après." "Merci beaucoup, j'ai dit !" "Allez, adieu." Clémentine l'Orange Gravillonnée était repartie. Théo-Gandalf se releva tant bien que mal. Il lui manquait une bonne partie de son écorce. Il se roula alors dans la terre pour cicatriser ses plaies, en espérant ne pas attraper le tétanos. Puis il revint au centre du tapis pour emporter la dépouille de Louis Quatorze, avant de constater qu'il respirait encore. "... je vous avais dit ... que ça ferait pas mal ... vous réagissez de manière disproportionnée." "Ah mais vous voulez pas mourir ?" "Je suis ... coupé en deux ... je n'en ai plus pour longtemps." "Bon, bah vous avez une dernière volonté avant de partir ? En-dehors de la volonté de me faire la peau ?" "... non ... je vais mourir avec mes pépins, ... comme mon père." "Oh mais arrêtez avec ça ! On peut pas comparer les pépins métaphoriques avec les pépins physiques comme vous le faites ! Un pépin métaphorique, c'est partir de chez soi le matin en oubliant son parapluie, et puis il y a un cyclone qui frappe la région dans la journée ; c'est vouloir débarrasser des araignées avec des allumettes dans sa cave et brûler sa maison sans faire exprès ; c'est avoir le robinet de la salle de bains qui fuit et appeler le plombier, mais il peut pas venir parce qu'il est enfermé dans un jeu vidéo ; c'est se promener dans les bois et tomber dans des ronces, et se faire tuer par un chasseur pendant qu'on enlève ses épines ; c'est bousiller son clavier d'ordinateur parce qu'on a mangé dessus et que ça a laissé plein de miettes dedans ; c'est faire tomber son portefeuille dans les égouts après s'être préparé à aller déposer de l'argent à la banque ; ... mais ce n'est certainement pas un pépin physique, qui provoque juste une sensation de picotement dans les jambes quand on court !" "... vous avez repris du poil de la bête depuis notre course-poursuite." "Je suis désolé que vous ayez à mourir après toute cette histoire, mais comprenez qu’à la fin qu'il faut demander la permission aux gens avant de les peler ! Nous vivons dans une société, on ne peut pas faire n'importe quoi avec l'avis des autres !" "... parce que vous ... pensez que j'étais d'accord pour être tué ?" "Et bien justement, vous ressentez ce qu'ont ressenti les gens avant que vous n'enleviez leur peau." "Je ne les ai pas tué." "Vous leur enleviez un organe vital ! Vous avez connu beaucoup de gens qui pouvaient survivre sans avoir de peau ? Vous auriez dû commencer par tailler la votre pour voir ce que ça faisait !" "... laissez tomber ... je sens ... que je pars vraiment cette fois." "... votre père vous attend dans l'au-delà. Du moins, je crois, j'ai pas tout compris." Théo-Gandalf tourna les talons et quitta le tapis. Et c'est ainsi que se termina cette aventure. Le crocodile avait pu récupérer Théo-Gandalf alors qu'il quittait la forêt, et s'occupa de ramasser toute l'écorce qu'il avait perdu pour lui recoudre sous peu. Louis Quatorze avait découvert qu'il n'y avait rien après la mort, et donc que son père ne l'attendait pas. Quelle arnaque. Avec l'un de ses propriétaires manquant à l'appel, le dojo de jardinage de l'extrême allait fermer. Bernaud allait faire le tour du monde sur le dos de son cousin dragon, parce qu'il ne manquait pas de toupet. Clémentine l'Orange Gravillonnée avait changé de région. Chevauchant toujours sa grue-grue, elle s'était mise en quête de résoudre les injustices pour lesquelles les forces de l'ordre ne voulaient intervenir. La morale de cette histoire, est qu'il faut respecter le consentement des gens. "Attendez, j'ai une dernière question." Alors qu'il quittait le tapis, Théo-Gandalf venait d'interrompre la conclusion de ce récit, merci de m'avoir coupé. "Vous avez retiré les pépins de combien de personnes en tout ?" "... j'ai pas compté, des dizaines je dirais." "Et qu'est-ce que vous avez fait de tous ces pépins ?" "Je les ai donné à un ami ... On était pas toujours d'accord, ... mais on se parlait quand même. ... Il m'a demandé ... s'il pouvait récupérer les pépins, j'ai accepté. ... Je ne sais pas ce qu'il en a fait. ... Demandez-lui directement, il s'appelle ... Francis Château."
25.
Conclusion 01:10
Merci aux gugusses ayant vu leurs mots sélectionnés pour les titres des chapitres de ce récit, à savoir : Lefra : feuille, thermodynamique, jardinage, gravillon, bitume, fenêtre, joyeux, calme, déchiqueteur, pastèques, imbuvable, froid, réponse, tractopelle, rayon, conséquence, glissant, glissante, haut, pianiste, lumineux. Mathieu Bedez : aiguille, mouche, samouraï, pompe, balai. Tom4S : interlude. ZerOcarina : rideau, crocodile, extrême, lettre, dragon, tagliatelles, dinosaure, microphone, skateboard, argent, feutre. Merci également au gususse Copain du Web pour avoir imposé le thème "Sous la peau" pour son concours d'écriture ! Merci également aux gugusses ayant proposé d’autres mots non retenus pour ce récit ! Merci également aux gugusses ayant lu ou écouté le récit tout au long de sa publication, ou après ! Merci également aux gugusses ayant pris connaissance de l’existence de ce récit ! Merci également aux gugusses qui ont acheté la version papier de ce récit (plus d'informations sur comment l'avoir sur georgeslasaucisse.fr) ! Merci également aux gugusses relatifs à ce récit ou un peu moins que j’aurais oublié !

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Un grand Conte de Noël collaboratif publié en Octobre 2018 !

Également écoutable sur Funkwhale : funkwhale.desmu.fr/library/albums/3/

Conte en version papier sur Lulu : www.lulu.com/fr/shop/desmu-/théo-gandalf-le-citron-contre-le-peleur-de-peaux/paperback/product-14qwy966.html

Conte en version audiobook sur Lulu : www.lulu.com/fr/shop/desmu-/théo-gandalf-le-citron-contre-le-peleur-de-peaux/ebook/product-egknpw.html

credits

released October 24, 2018

Mots proposés par :
- Lefra
- Mathieu Bedez
- Tom4S
- ZerOcarina
Thème "Sous la peau" imposé par le concours d'écriture de Copain du Web.

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Desmu Alsace-Champagne-Ardenne-Lorrain, France

On rigole bien ici. Je crois.

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