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Florent la Banane​-​Magicienne et le B​â​ton Fabuleux

by Georges la Saucisse

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1.
Florent la Banane-Magicienne et le Bâton Fabuleux Table des matières Introduction CHAPITRE 1 - Florent la Banane-Magicienne CHAPITRE 2 - La Notation en Intercalaires CHAPITRE 3 - Le Lapin Géographe CHAPITRE 4 - Une Bouteille dans la Moisson CHAPITRE 5 - Des Directions sous le Lampadaire CHAPITRE 6 - Les Biscuits Fissurés CHAPITRE 7 - De la Xylocaïne dans le Genou CHAPITRE 8 - Un VTT Particulier CHAPITRE 9 - Une Offre pour Irresponsables CHAPITRE 10 - Le Yéti sur Trépieds CHAPITRE 11 - Le Demi-Grille-Pain CHAPITRE 12 - Le Carrelage en Nickel CHAPITRE 13 - Le Paroxysme des Abysses CHAPITRE 14 - Ventilateurs et Vapeur CHAPITRE 15 - La Route Gourmande CHAPITRE 16 - Le Sceptique Aigri CHAPITRE 17 - La Toupie des Tabliers CHAPITRE 18 - Des Vacances à la Cool CHAPITRE 19 - Les Endives Polluantes CHAPITRE 20 - Absence de Réflexion CHAPITRE 21 - Une Évasion de Haine CHAPITRE 22 - Le Bâton Fabuleux Conclusion
2.
Introduction 01:15
Bonjour ! Je suis Georges la Saucisse ! J'ai improvisé un Grand Conte de Noël en Juillet 2021, et des gens m'ont aidé à le réaliser au long du mois. Ainsi, quelques jours avant le 1er Juillet : Les gens ont proposé plein de mots (des objets, des lieux, ...) via le canal de leur choix parmi les suivants : Sur PeerTube (@georgeslasaucisse@peertube.desmu.fr) en commentaire. Sur YouTube (GeorgesLaSaucisse) en commentaire. Sur Mastodon (@desmu@mastodon.desmu.fr) en pouet. Sur Twitter (@georgessaucisse) en tweet. Sur georgeslasaucisse.fr via la page Contact, et bien non, y'a plus de page Contact, mais mon site était toujours bien ! Deux mots étaient choisis parmi leurs propositions. Y'avait plus de sondage vu qu'il restait plus qu'un personnage. Et puis du 1er au 24 Juillet : Une vidéo a été publiée chaque jour, comprenant un chapitre du conte lu au format sonore, illustrée d'un presque joli dessin de la situation actuelle de l'histoire. Le fichier audio a également été publié sur desmu.bandcamp.com ! À chaque nouvelle vidéo, il était demandé de reproposer des mots via les mêmes canaux. Deux mots ont été choisis chaque jour, définissant la base du titre du chapitre suivant, jusqu'à ce qu'on arrive à la fin du Grand Conte.
3.
Il était une fois, dans un pays fort lointain, il y a fort longtemps, pas loin d'une échoppe de forgeron, vivait une banane, dotée de pouvoirs extraordinaires, et se nommant Florent. Logiquement, il hérita donc du patronyme de Florent la Banane-Magicienne. Florent la Banane-Magicienne était une banane qui faisait de la magie, comme quoi. Il avait étudié toutes les mythes, toutes les histoires occultes, toutes les légendes, toute la presdidi, presditi, prestigita, prestigatition ... les tours de magie avec les lapins, là. Il connaissait la sorcellerie, le chamanisme, le druidisme, l'homéopathie, le vaudou, ... sa science des pseudo-sciences était intarissable. Et de tout ce savoir, il avait développé son propre style de magie, à mi-chemin entre toutes ces versions et toutes ses nuances pour aboutir à une forme de magie ... complètement bancale. Florent pratiquait la magie, et parvenait à lancer des sorts, mais pas forcément ce qu'il s'attendait à réaliser. En spectacle par exemple, il avait pour fâcheuse manie d'inverser les tours de cartes et les tours de pièces. Quand il voulait sortir une pièce de l'oreille de quelqu'un, il sortait une carte à jouer, et lui coupait l'oreille malencontreusement dans le processus, parce qu'une carte, ça tranche tout de même. Quand il voulait mélanger une pile de cartes, il mélangeait une pile de pièces par inadvertance, avec la même dextérité que s'il mélangeait une pile de cartes, mais du coup toutes les pièces tombaient par terre, il fallait tout ramasser et le spectacle durait six heures. Il maîtrisait par contre le numéro du piano qui vole, mais il ne pouvait l'exécuter faute de budget ; un piano ça coûte cher. Et ça c'est quand il ne s'essayait pas à mélanger les autres arts de la magie entre eux. La création de potion avec de la bave de crapaud et un valet de trèfle, la confection de poupée maudite avec une guirlande de chiffons qu'il sortait de son nez, l'invocation de démons du septième cercle de l'Enfer avec des gélules d'eau sucrée ... ça fonctionnait presque, mais ça n'impressionnait personne. Longtemps il s'est interrogé sur sa carrière professionnelle. N'était-il pas temps pour lui de tourner le dos à tout ce folklore, pour trouver un "vrai travail", comme polisseur de tapisseries ou gardien du rayon de porte-clés de l'hypermarché ? Un travail utile, qui lui apporterait la reconnaissance de la société et un accomplissement personnel, comme dépanneur de claviers, ou assistant manager technique ? Un travail qu'on rêve d'exercer quand on est tout petit, comme hôte d'accueil en boulangerie ou rocher à huîtres ? Il voulait néanmoins se donner une dernière chance, accomplir une dernière quête, trouver le tour qu'il lui manquait pour rendre son art magique unique et pleinement fonctionnel. Mais avant cela, il avait un rendez-vous pour de l'emploi.
4.
Hertzenfoulchenheim est une ville qui avait connu bien des péripéties au cours des dernières années. La dernière en date concernait une sombre histoire de raviolis qui aurait mis à mal la production de quantités d'objets usuels utilisés un peu partout. Pour y remédier, il fallait reconstruire la société, ce pourquoi ont commencé à être organisées de grandes fêtes du travail, nommées sobrement "les fêtes de l'emploi". La participation à ces festivités était obligatoire pour tout gugusse habitant dans le coin. On y faisait passer des entretiens professionnels au cours desquels tout le monde voyait son activité jugée et éventuellement sanctionnée si elle ne servait à rien dans la société. Afin de rendre l'ambiance moins anxiogène, ces entretiens étaient néanmoins entrecoupés de petits spectacles, de buffets avec des gâteaux, de conférences sur l'emploi de demain et d'exercices de yoga. Participer à tous ces ateliers était également obligatoire cela va de soi. Une aubaine pour Florent la Banane-Magicienne, qui animait ici un des spectacles au programme, et terminait tout juste son dernier numéro. "... et de mon chapeau dans lequel j'ai mis une grenouille, je sors ... la carte du réseau ferré de la région !" La salle était comble, mais il n'eut que trois applaudissements et un "ouais" peu enthousiaste. Il faut dire que les spectateurs étant obligés d'être là, et ils auraient préféré être ailleurs. Mais c'était à présent l'heure de l'entretien de Florent justement. Il se dirigea vers un bureau où l'attendait un drôle de zèbre. "Bonjour, je suis Florent la Banane-Magicienne." "Bonjour, je suis un drôle de zèbre, parce que j'ai un chapeau rigolo. Asseyez-vous." "Ah oui, c'est vrai qu'il est rigolo votre chapeau." C'était un chapeau tout à fait banal, mais Florent ne voulait pas contrarier son interlocuteur. "Alors, Banane-Magicienne Florent vous avez dit, c'est ça ? Je vous cherche dans mon petit classeur." Sur ces mots, le zèbre sortit un classeur immense de sous son bureau et le posa dans un bruit fracassant. "Vous faites quel métier ?" "Magicien." "Ah bah vous portez bien votre nom !" "Oui, on l'a choisi parce que j'aimais bien la magie." "C'est original, hein ! Hahaha !" Le drôle de zèbre se forçait à faire de la conversation inutile pour rendre l'ambiance moins anxiogène. "Alors magicien ... je regarde dans mon classeur ... je tourne les pages ... ça doit être dans l'intercalaire orange ..." "Je dois être dans les B je pense, pour Banane." "Ah non mais on classe pas selon votre nom ici, mais selon votre note." "Ma note ?" "Ah bah encore un qui est né hier ... Vous savez, quand vous avez fait votre premier entretien, on a noté votre profil selon un barème avec des couleurs, et ensuite on l'a mis dans des classeurs dans la section délimitée par un intercalaire de la même couleur. Vous avez l'intercalaire vert pour dire que c'est bon on va pas vous ennuyer, vous faites un super boulot ; l'intercalaire jaune pour dire que ça va mais qu'il y a quand même un risque, c'est un beau métier mais vous ferez pas toujours ça ; l'intercalaire orange c'est pour les métiers un peu nuls, qui servent à rien, donc typiquement ce que vous faites ; l'inter "Attendez attendez, comment ça mon métier sert à rien ?" "Bah oui magicien ça sert à rien mon pauvre ami, aujourd'hui on veut des polisseurs de poignées de portes ou des porte-apéritifs, va falloir vous reclasser mon vieux." "Vous savez que je peux faire disparaître votre classeur si vous continuez à me dénigrer ?" "Ah bah dans ce cas vous passerez dans l'intercalaire rouge, celui des ennemis de la société, et on va devoir vous ostraciser. Les gens auront pour ordre de vous regarder de travers dans la rue et de vous jeter leurs peaux de bananes au visage." "..." "Non mais pas vous jeter vous, enfin vous avez compris. Attendez, où vous allez ? Ne partez pas sinon c'est l'intercalaire rouge !" Énervé et dépité, Florent avait quitté le bureau avant la fin de son entretien, et serait désormais ostracisé.
5.
Les nouvelles vont vite à Hertzenfoulchenheim. À peine avait-il récupéré ses affaires de magie et quitté le secteur dans lequel avait lieu la fête de l'emploi, que Florent la Banane-Magicienne sentait déjà un changement autour de lui. Les gugusses le regardaient bizarrement, en soulevant leur menton pour les personnes qui en avaient, en jetant des "peuh" à son visage. Les enfants pleuraient de peur en le voyant. D'autres le montraient du doigt sans rien dire et en gardant une position fixe, telle une girouette sur un toit un jour sans vent, ce qui était assez particulier à observer. Florent était désormais ostracisé parce qu'il assumait son métier inutile. Prenant peu à peu conscience de ce qu'il lui arrivait, il se retrouvait de plus en plus submergé par l'émotion, pris de vertiges. Il décida de poser ses affaires au sol, et de s'asseoir sur le bord d'un trottoir pour reprendre ses esprits avant de reprendre son chemin. Il songeait au nouvel avenir qui l'attendait, pour peu qu'il en ait un. Pensif, il se replongeait dans ses affaires, ses paquets de pièces, son porte-monnaie rempli de cartes, son chapeau. "Wheeeeeh oh !" Son chapeau venait de crier. "Non mais une fois par jour ça suffit, faudrait me fiche la paix à un moment !" Florent restait bouche bée, ne sachant ni quoi dire ni quoi faire, la surprise le fit malgré tout regarder à l'intérieur de son chapeau, dans lequel il put identifier la source de la voix. "Attendez, mon lapin de magicien ... il parle ?" "Bah ouais mon grand, ça fait sept ans que tu m'as enlevé et enfermé la-dedans, il était temps de s'intéresser à ce que je faisais bon sang !" "Bah ... pardon ?" "Ouais bon de toutes façons au bout de sept ans c'est trop tard pour essayer de retrouver ma vie d'avant, donc on fera avec. Bon, c'est pas tout mais j'ai un truc à te proposer vu que t'as l'air dans la sauce. Tu connais la géographie ?" "Euh ... je pense." "T'as déjà dessiné un liseré bleu sur les côtes sur une carte en papier ?" "Oui." "Et bah c'est moi qui ai inventé cette convention, et paf !" "... bravo ?" "Rien que de penser à tous ces mômes qui ont perdu des points dans leurs examens parce qu'ils ont oublié de repasser les côtes en bleu, ça me fait marrer tous les jours. Mais bon du coup tu te doutes bien que j'ai bouffé de la carte, surtout en étant coincé sept ans dans un chapeau, fallait s'occuper." "Non mais attendez euh ... moi je suis désolé, je savais pas, je pensais que vous faisiez rien là dans la nature à l'époque où je vous ai capturé, donc je me suis dit que vu que j'étais magicien, je pouvais vous ..." "Bah non gros malin ! J'étais sur les traces d'un trésor figure-toi ! Y'avait un indice pas loin et du coup si ça se trouve il est plus là et je suis marron pour le retrouver maintenant !" "Non mais c'est pas dit, on peut le chercher là maintenant. C'est par où que je vous ai capturé déjà ?" "Bah je sais plus moi maintenant, faudrait que je retrouve ma carte de l'époque, et au bout de sept ans elle doit plus être là." "Attendez, je me souviens peut-être ... c'était pas un endroit où il y avait un arbre ?" "Ah bah des arbres on en a un peu tout le tour du ventre tout de même, tu te fous de ma "Non non, mais vraiment un arbre très bizarre, avec un tronc, qui se scindait en deux branches, et les deux branches refusionnaient ensuite en un tronc unique ... je sais où c'est, suivez-moi !" "JE-SUIS-EN-FER-MÉ-DANS-TON-CHA-PEAU-DE-PUIS-SEPT-ANS-JE-PEUX-PAS-SOR-TIR-!" Perdu dans ses mouvements pendant un temps, Florent rassembla ses affaires pour se précipiter vers l'endroit où il avait vu ce fameux arbre.
6.
Voilà sept ans, Florent la Banane-Magicienne avait vu l'arbre qui avait un tronc puis deux branches puis de nouveau un tronc près d'une forêt, ce qui pour un arbre était plutôt bien pensé. En arrivant sur place de nos jours, Florent et le lapin découvrirent que de la forêt il ne restait qu'une plaine avec énormément de trous un peu partout, comme si les arbres ayant habité ce lieu avaient été violemment arrachés par la force d'un géant. "Bon, bah mon arbre n'existe plus." constata Florent non sans un soupir de désespoir. Mais au loin, d'autres arbres se dressaient toujours, et entre nos protagonistes et ces arbres, une moissonneuse-batteuse était en activité, et c'est elle qui déracinait les arbres de sa force ! Sans autre mot dire, Florent emporta le lapin avec lui pour se précipiter vers ce véhicule de destruction. À l'intérieur de ce véhicule se trouvait un gugusse tout à fait banal. Florent engagea la conversation. "Bonjour, c'est vous qui déracinez les arbres ?" "Bonjour ... non non je fais des endives au jambon, je pensais que ça se voyait. Ah ! Mais c'est vous le magicien qui s'est révolté. Éloignez-vous de moi tout de suite, je veux pas prendre de risque !" "Hein ? Mais comment vous faites pour savoir ça ?" "Et moi, je peux vous parler, peut-être ?" Le lapin s'était interposé. "Qui c'est qui a parlé ?" "C'est moi, le lapin dans le chapeau." "Ah bah oui, un lapin dans un chapeau pour un magicien ..." "On est pas là pour ça, moi je suis pas dans votre fichier débile, alors vous allez répondre à mes questions. Est-ce que vous avez vu un arbre avec un trou qui traversait le tronc ?" "Mais des arbres j'en ai vu des milliers depuis tout à l'heure, j'ai un boulot moi contrairement à vous !" "Ah oui, vous déracinez des arbres avec une moissonneuse-batteuse." "Je l'ai débridée." "Ouais, mais du coup vous vous souvenez vraiment pas d'un arbre bizarre dans votre massacre ?" "Bah non, vous savez comment ça marche ces engins, tout ce qui rentre ça finit broyé en deux-deux et récupéré dans la benne à l'arrière. Votre arbre il doit être en copeaux." "On peut fouiller votre benne ?" "Bah vous attendrez que j'aie fini, je tiens à mon boulot moi contrairement à vous !" La conversation avec ce désagréable gugusse terminée, Florent et le lapin organisèrent un pique-nique pas loin d'ici en attendant que sa journée soit finie. Seize heures plus tard, il pouvait enfin leur laisser l'accès à sa benne. On y trouvait beaucoup de copeaux de bois, de terre, d'herbe, et même d'autres trucs dont il valait mieux ne pas essayer de deviner l'origine. Pressé par le temps, le gugusse avait commis des meurtres sans faire exprès. Mais au milieu de tous ces débris se tenait une curieuse bouteille en verre. Le verre en question était très épais, il était difficile de voir ce qui était à l'intérieur, même si on pouvait distinguer les formes d'un rouleau de papier. "Bon bah ouvrez-là alors !" s'impatientait le lapin. "Je veux bien mais ... comment ?" Contrairement à la plupart des bouteilles mises sur le marché, celle-ci ne disposait d'aucune ouverture visible, en lieu et place du bouchon, il n'y avait que du verre. Impossible d'ouvrir cette bouteille. Florent se trouvait contraint de souligner une terrible réalité : "Bon ... bah l'histoire s'arrête là."
7.
Finalement, Florent décida de jeter la bouteille au sol pour la casser. Ça aurait été ballot de s'arrêter déjà maintenant. Dans cette bouteille, il y avait bien un vieux bout de papier tout fripé, peut-être un parchemin, peut-être un papyrus. Pour le savoir, il fallait le dérouler pour découvrir son contenu. Rien. Il n'y avait strictement rien d'écrit sur ce papier, c'était juste une feuille vierge. "Ah ça c'est bête, vu que je suis géographe, j'aurais pu vous interpréter ça si c'était une carte, mais vu que c'est pas une carte, je peux rien faire." déclara le lapin du chapeau, pas forcément certain du fait que sa phrase apporte quelque chose au récit. "Non mais attendez, c'est peut-être une feuille magique, il y a peut-être une formule à réciter pour que quelque chose apparaisse, je connais deux-trois sorts dans ce genre." souligna Florent la Banane-Magicienne, pas forcément certain du fait de se souvenir des sorts en question. Florent posa la feuille au sol, posa trois cailloux pour la maintenir déroulée, et incanta quelques baragouinages. "Mltttprrt." Il ne s'était rien passé. "Mltttrrrtv." Il ne s'était à nouveau rien passé. "Prrrtvlm." Il ne s'était une fois de plus à nouveau rien passé. "Vous avez essayé avec des voyelles peut-être ? Enfin j'en sais rien, c'est pas mon boulot." "C'est normal, y'a toute une catégorie de sortilèges qui sont composés uniquement de consonnes, mais celui-là je sais plus s'il se termine par prrt ou par tvlm." "Il est vraiment tordu votre secteur d'activité, c'est pas étonnant que personne veuille faire ça." Florent retira les cailloux et décida de rentrer chez lui, dépité de constater qu'il n'arrivait même plus à maîtriser son métier tant haï. La nuit était tombée, Florent était presque arrivé, et toujours en pleine conversation avec son lapin pour tenter de comprendre ce qu'était ce papier. "Vglglgl ! Gggggkkrpt ! Ssskzpmmm !" "Le plus étonnant avec toutes ces formules que vous avez balancé depuis tout à l'heure, c'est qu'il y en ait pas eu une seule qui ait déclenché quoique ce soit d'autre, même un effet qu'on s'attendait pas à voir." Au fil de ses essais, Florent avait aussi commencé à prendre des positions avant de lancer ses sorts. Il se mettait debout sur un pied ou sur l'autre, il faisait le poirier, ou des tours sur lui-même. "Là ! Il y a quelque chose !" Il avait malencontreusement pointé sa carte vers un des lampadaires de la rue qui était allumé maintenant qu'il faisait nuit, et la lumière passait à travers le papier, révélant ... des milliers de petites flèches. "Faites voir ... oh, mais des flèches, ça indique des directions, ça veut dire que c'est bien une carte, et que je vais pouvoir la déchiffrer !" "Ah bah bon courage, y'a quand même un bon paquet de flèches." "Un peu mon neveu, vu le nombre, ça doit pas être un point facile à trouver. Tenez, là, par exemple, il y a trois flèches qui pointent vers la droite, ça veut dire qu'il faut se diriger trois fois vers la droite." "Ooh ..." "Ouais je sais, c'est pas évident à deviner, on s'est beaucoup posé la question entre géographes avant d'implanter cette fonction, mais force est de constater qu'on a pas trouvé plus simple. C'est pas intuitif, mais on s'y fait." Le lapin avait continué de déchiffrer la carte pendant des heures sous le lampadaire, dans une position tout sauf confortable. Et au petit matin, il était arrivé à une conclusion. "Et bah bon sang, vous allez pas croire ce que c'est !"
8.
Le lapin avait suggéré à Florent de rebrousser chemin pour aller rendre visite à un de ses amis qui pourrait les aider. Sur le chemin, le lapin expliqua les détails de sa découverte. "Vous voyez toutes ces directions ? Elles mènent vers une terre qui n'a jamais été cartographiée. Ce bout de papier qu'on a trouvé est l'unique indice nous permettant de trouver cette terre. En tant que géographe, c'est toujours excitant de se dire qu'on a de la documentation pour découvrir un nouveau lieu inconnu jusqu'alors, mais le hasard a fait que c'est également un lieu qui pourrait vous intéresser. Ce lieu, c'est l'endroit où a été inventée la magie." "... vous voulez parler de la Terre Sacrée de l'Effroi Mythique de la Source de l'Éveil Mythologique de la Légendaire Montagne ?" "Exactement ! On voit bien que ce sont des magiciens qui ont nommé l'endroit, de manière à ce que personne d'autre qu'eux ne soit capable de retenir le nom." "C'est une histoire que tout le monde connaît dans le secteur de la magie ! On y raconte que douze personnes y auraient forgé la toute première baguette magique au monde, capable de lancer n'importe quel sort de n'importe quelle catégorie de magie ! Et cet objet s'appelait ... le Bâton Fabuleux." "Seulement, votre machin, il est visiblement planqué dans un lieu qui est atrocement loin d'ici, et si on y va à pieds, on en aura pour plusieurs mois. C'est pour ça que je vous emmène chez un aubergiste de ma connaissance, qui pourra nous équiper correctement pour le voyage." "Oh, parce qu'il faut y aller ?" "Écoutez mon vieux, c'est à la fois un périple palpitant pour un géographe et pour un magicien, vous allez pas me dire que vous allez passer à côté de ça. En plus vous avez un boulot nul et tout le monde vous déteste ici. Là au moins on va partir très loin et tomber sur des sociétés qui vous rejetteront pas pour ça. Alors vous allez m'acheter votre plus belle paire de chaussures, et en avant la musique !" Nos deux compères étaient arrivés devant l'auberge, qui était désormais ... une biscuiterie. "Ah mais oui bon sang, j'ai passé sept ans enfermé dans un chapeau, forcément que l'endroit a changé depuis. Bon écoutez, on va quand même rentrer, je vais demander des infos." Entrant dans la boutique, le lapin et la banane firent face à un canard assez agressif. "BONJOUR ! Qu'est-ce que je peux faire pour VOUS ?" "Bonjour, je suis magicien et ..." "NON ! PAS VOUS ! VOUS là, à côté, qui faites pas un métier hors normes. Qu'est-ce que je peux vous SERVIR ?" "Bonjour, on cherche à savoir où est passé l'aubergiste qui tenait ce lieu avant vous." "D'ACCORD. Je veux bien vous aider, mais à UNE CONDITION. VOUS ALLEZ M'ACHETER UN BISCUIT." "Oh s'il vous plaît j'ai pas très faim, et puis je vous demande pas grand chose." "UN BISCUIT D'ABORD." "Bon très bien, on va vous prendre un biscuit chacun." "NON, je sers PAS votre pote, il a un boulot NUL." "Bon bah donnez-moi deux biscuits et je lui donnerai le deuxième moi-même." "Vous en ASSUMEREZ LES CONSÉQUENCES." Sur ces mots, le commerçant tendit une assiette avec deux biscuits en miettes. "Ah, c'est des biscuits en morceaux." "ILS SONT PAS EN MORCEAUX, ILS SONT FISSURÉS, parce que ça fait TRÈS LONGTEMPS qu'ils sont là, parce que PERSONNE veut acheter mes biscuits SAUF VOUS." Le lapin saisit l'assiette et donna un des biscuits à Florent qui n'osait rien dire de peur de se faire rabrouer. Tous deux dégustaient leur biscuit, même s'ils avaient l'impression de manger du sable. "Dites, du coup, vous savez quoi sur l'aubergiste qui était là avant vous ?" "Et bien quand j'ai repris le magasin, je l'ai repris à un BOUCHER. Lui il m'a dit qu'il l'a repris à un BOULANGER, qui lui avait dit qu'il l'avait repris à un AUTRE BOUCHER, et le deuxième boucher l'a repris à L'AUBERGISTE, qui l'avait en fait repris à "Non mais c'est bon merci, on va s'arrêter là." "C'est COMPLIQUÉ de faire tenir un commerce je vous ferais dire. Même moi je ferme DEMAIN, parce que j'ai vendu que DEUX BISCUITS depuis que je suis ouvert, et ce sera repris par un TROISIÈME BOUCHER." "Oui non mais, l'aubergiste du coup, il est où ?" "VOUS AVEZ PAS FINI VOTRE BISCUIT." "Oh mais c'est bon, ils sont dégueulasses vos biscuits à un moment, c'est pas étonnant que vous fermez, c'est à se demander si vous les avez goûté avant." "Je peux PAS LES GOÛTER, je suis un CANARD, j'ai PAS DE DENTS." "Voilà c'est bon, j'ai fini votre biscuit, dites-moi où est l'aubergiste avant que je m’évanouisse !" "JE SAIS PAS, J'ÉCOUTAIS PLUS LE BOUCHER PARCE QUE C'ÉTAIT COMPLIQUÉ." Florent et le lapin s'étaient évanouis à cause des biscuits fissurés.
9.
"Bon, qu'est-ce qu'on a aujourd'hui ?" "Patient numéro un, Banane-Magicienne Florent, patient numéro deux, Géographe Lapin, tous deux intoxication alimentaire, les biscuits qu'ils ont mangé étaient trop rassis." "Ah, c'est le nouveau parasite de la société, pfff ..." "Quel parasite ?" "Bon sang mon petit, c'est pas possible d'être en-dehors de la société comme ça. La banane, là, elle s'est révoltée à la fête de l'emploi, du coup elle est dans l'intercalaire rouge, avec les ostracisés." "J'ai jamais compris pourquoi fallait faire ça en fait." "Mais parce que ... euh ... ça se fait pas, c'est comme ça, c'est contre nos valeurs, voilà !" "Bah ouais, mais ... on va quand même le soigner, hein ?" "Pfff ... je sais pas, j'ai pas envie." "Bah moi je le soigne sinon, je vous ai assez vu faire, je peux m'en charger." "Faites attention mon petit, y'en a qui se sont retrouvés dans l'intercalaire orange pour moins que ça !" "Mais on va quand même pas le laisser pourrir sous prétexte que des gens aiment pas son boulot, il fait rien de mal quand même !" "Bah si, c'est un parasite profiteur !" "Mais il profite de quoi ?" "Il profite de ... euh ... bon, très bien, occupez-vous-en pendant que je fais le lapin. Vous avez déjà anesthésié une banane ?" "Bah non, c'est quand même pas commun d'anesthésier une banane." "Bon, je vais le faire, hop, je prends le flacon de xylocaïne tout neuf, la seringue, et ... hop ! Dans le genou !" "... fallait vraiment injecter TOUT LE FLACON ?" "Bah je vais pas le laisser quitter les lieux tout penaud quand même, ça lui apprendra." "Et pourquoi vous avez piqué le genou ? Ça va m'aider en quoi pour soigner son intoxication, au mieux il pourra plus marcher pendant un mois !" "Eh bah ça lui fera les genoux ! Mehmehmehmehmeh !" "... c'est vrai que c'est votre rire ça." "Bon écoutez, arrêtez de me casser les pieds ... en l'occurrence c'est pas moi qui ai les pieds cassés après une dose pareille ! Mehmehmehmehmeh !" "... bon du coup faut que je détoxifie cette banane ... ... je vais devoir dévisser la jambe sinon ça marchera jamais." "Je confirme, si vous lui dévissez la jambe, il marchera plus ! Mehmehmehmehmeh !" "... alors ... voilà c'est dévissé ... j'enlève les biscuits ... et ... je ... lave ... voilà, je revisse ... et on est bon ..." "Vous vous en sortez avec le paria ?" "C'est bon, j'ai fini, le lapin, il est bon ?" "Non, je sais pas ce qu'il fait coincé dans ce chapeau mais ça complique bien la tâche, j'arrive pas à l'enlever, donc va falloir l'opérer depuis un endroit pas possible. Là j'ai juste accès aux oreilles et à ses jambes." "Bah sinon on peut lui injecter de la xylocaïne dans le genou, comme vous avez fait avec la banane." "Malheureux ! Il ne faut jamais injecter de la xylocaïne dans un genou pour une intoxication alimentaire !" "Mais c'est ce que vous avez fait tout à l'heure avec mon patient !" "Oui, mais parce que lui c'était un ... enfin vous voyez. Bon, d'accord, je vais faire ça aussi, mais surtout pas le flacon entier, quelques gouttes suffisent. Passez-moi ça." "..." "Oh faites pas cette tête, le lapin il sera sur pieds d'ici quelques heures de toutes façons." "Bah non, il est coincé dans un chapeau, il peut pas marcher de lui-même." "... votre mauvais esprit vous perdra ... Hop, c'est nettoyé pour le lapin, envoyez-le en salle de repos." "La banane aussi je suppose ?" "Non, ce truc c'est dehors, je vois pas pourquoi ça pourrait profiter des services de soin correctement, allez, zou !"
10.
Florent la Banane-Magicienne s'était éveillé. Il était sur un trottoir devant un hôpital. Son système digestif se portait bien, sa jambe droite un peu moins, et il ne comprenait pas pourquoi. Impossible de l'actionner de quelconque manière que ce soit. Il tentait de faire quelques pas à cloche-pieds, mais ce sans grand succès. Il n'y parvenait pas sans tomber. Soudain, un gugusse arriva en face de lui sur un vélo assez banal. Il portait un costume-cravate bien trop grand pour lui et un de ces casques de vélo ridicules. "Ah ! Vous êtes là, je vous cherchais !" fit savoir le gugusse tout guilleret. "On se connaît ?" rétorqua Florent encore dépité par sa situation. "Moi je vous connais, vous êtes le type qui s'est révolté à la fête de l'emploi, mais c'est pas grave ! Je suis là pour vous proposer un vrai travail !" "Mais magicien ça me convient très bien." "Tututut, ne recommencez pas ! Il faut savoir disrupter ses compétences, et pour y parvenir, je suis là pour vous proposer un partenariat qui pourra élargir votre horizon professionnel !" "Écoutez, vous voulez pas passer une autre fois ? Là j'ai ma jambe qui ne marche littéralement plus et j'essaie de comprendre pourquoi." "Ah et bien c'est parfait !" "Merci de vous réjouir ..." "Non, je dis c'est parfait pour vous et pour moi ! Vous voyez ce véhicule révolutionnaire que j'ai avec moi ?" "C'est un vélo ?" "Non ! C'est un VTT." "Oui bon d'accord, et alors ?" "Ce n'est pas n'importe quel VTT ! C'est un VTT ... particulier, un VTT que j'ai disrupté ! C'est pourquoi je l'ai nommé ... le DisrupVTT™ !" "Super." "Le DisrupVTT™, c'est le premier VTT à être vraiment TT ! C'est pourquoi il a failli s'appeler le VVTT, pour Vraiment Vélo Tout Terrain, mais les mots-clés n'étaient pas disponibles. Donc je l'ai appelé ... le DisrupVTT™." "Génial." "Le DisrupVTT™ peut se conduire sur tous types de terrains, contrairement au VTT classique. Vous voyez l'escalier qui mène à l'hôpital derrière vous ? Et bien vous pouvez le franchir avec le DisrupVTT™ !" "Mais on peut franchir un escalier avec un vélo normal aussi." "Non ! Car le vélo normal n'est pas un VTT particulier, ce n'est pas le DisrupVTT™ !" "Bon fabuleux, et moi là-dedans je fais quoi ?" "Je viens vous proposer de rejoindre l'équipe des ambassadeurs du DisrupVTT™ ! En tant qu'ambassadeur, vous pouvez utiliser le DisrupVTT™ en illimité et dans n'importe quel contexte, et vous disposerez ainsi d'un vrai travail à déclarer ! Je vous demande juste de laisser les logos du DisrupVTT™ bien visibles sur les roues pour en faire la promotion. Qui plus est là vous voyez à côté des logos, je vous ai fait un petit code partenaire, et si des personnes veulent acheter un DisrupVTT™ grâce à vous, en entrant ce code de parrainage, elles bénéficieront de cinq heures de DisrupVTT™ gratuites pour leur premier usage." "Et pourquoi elles achèteraient pas juste un VTT normal ?" "Parce que les VTT normaux ne sont pas disruptés, contrairement au DisrupVTT™." "Bon d'accord, mais il faut des jambes en état pour faire du VTT, et moi là je peux pas vous le garantir." "Ha ha ha ! C'est là toute la spécificité du DisrupVTT™, pas besoin de contraintes particulières pour faire du DisrupVTT™, car quand on veut, on peut !" Le gugusse fit s'asseoir Florent sur la selle de son vélo, et en un instant, voilà que le véhicule parvenait à rouler tout seul sur les escaliers de l'hôpital ! Alors que Florent s'en allait à l'intérieur du bâtiment, le gugusse lui cria son slogan au loin. "Vous voyez ! Essayer le DisrupVTT™, c'est l'adopter !"
11.
En tant que magicien, Florent avait des facilités pour pouvoir faire les choses qu'il voulait, sans ça, il n'aurait pas pu manier son vélo banal au sein des couloirs de l'hôpital. Il avait croisé le lapin coincé dans son chapeau, qui avait été déposé dans le couloir de sortie. Il voulait bel et bien sortir d'ici, mais il ne pouvait pas, vu qu'il était coincé dans un chapeau. Fort heureusement, Florent avait pu le recueillir. Les deux compères parvinrent à sortir de l'hôpital, le gugusse au costume était toujours là. "Vous voyez ! Essayer le DisrupVTT™, c'est l'adopter !" "Oui, j'avais compris la première fois." "Ah j'étais pas sûr que vous aviez entendu, on a brainstormé pendant des heures pour trouver ce slogan, ce serait dommage de le jeter." "Dites, j'ai eu une idée, des ambassadeurs pour votre vélo comme moi, il y en a combien ?" "Oh, une bonne cinquantaine je dirais, beaucoup de pauvres hères qui ont été classés dans l'intercalaire rouge à la fête de l'emploi, jugés irresponsables par ce vieux monde. Mais fort heureusement, tout cela est derrière eux, car ils font désormais partie de la grande communauté DisrupVTT™ !" "Est-ce que je pourrais les joindre ?" "Oh ! Mais tout à fait ! La communauté DisrupVTT™ deviendra ainsi une grande famille ! Je vous transmets immédiatement les données personnelles de tous les Disrupvététeurs !" "... et ce mot il est pas déposé ?" "Non, je fais encore des essais pour le nom de la commu." Le lendemain, Florent et le lapin avaient réuni tous les ambassadeurs dans une salle des fêtes. Florent s’apprêtait à prendre la parole pour expliquer sa démarche. "Hmm hmm ... bonjour tout le monde, je suis Florent la Banane-Magicienne, et voici un lapin coincé dans un chapeau. Comme vous, j'ai été recueilli par ce type bizarre qui vend des vélos pour faire sa promotion. Et j'aurais voulu vous demander une chose ... est-ce que vous avez envie de faire ça ?" Silence dans la salle. "C'est bien ce que je pensais ! Mis sous pression à la fête de l'emploi, nous avons été poussés à accepter les propositions les plus grotesques pour être considérés par nos pairs, car autrement, nous étions considérés comme irresponsables, irresponsables car nous ne voulions pas de ces propositions grotesques. Mais je vous ai réuni ici aujourd'hui pour vous faire une offre." Des chuchotements se faisaient entendre dans la salle. "Le lapin coincé dans un chapeau et moi avons trouvé une vieille carte au trésor nous menant vers une relique inestimable ! Seulement, cette relique est cachée dans des contrées lointaines, très lointaines. Nous avons besoin d'équipement, d'expertise, d'une équipe, de talents, de vous !" Les chuchotements se faisaient insistants. "Je vous propose aujourd'hui une autre issue que de faire office de pancarte publicitaire pour un vendeur de vélos, je vous propose un voyage, un périple dans lequel vous pourrez mettre vos talents individuels à contribution, une aventure loin de la fête de l'emploi, une occasion pour vous d'échapper à cette pression !" Les réactions étaient mitigées, cela allait de petits ouais à des bofs plus ou moins prononcés. "Bon après si vous voulez pas, je force pas, vous pouvez vous diriger vers le petit buffet à sandwiches qu'on a préparé pour y réfléchir, et si cette offre vous convient, placez-vous dans la file d'attente à l'autre bout de la salle pour qu'on en parle chacun individuellement." La session sandwiches passée, tout le monde était resté dans la file d'attente, l'optique d'échapper à la fête de l'emploi était une motivation bien suffisante.
12.
Au vu du nombre de personnes souhaitant prendre part à l'expédition, Florent et le lapin décidèrent de diviser la file d'attente en deux parties, afin de discuter chacun de leur côté avec la moitié des participants. L'après-midi fut long, et bon nombre de volontaires furent choisis pour prendre part à l'épopée. Parmi eux, un yéti qui avait pu s'entretenir avec Florent. "Bonjour, je suis un yéti !" "Bonjour, Florent la Banane-Magicienne, enchanté, vous pouvez vous présenter." "Et bien je suis un yéti !" "... oui si vous le dites." "J'habite dans la montagne pas loin d'ici, je me suis dit que c'était logique vu que je suis un yéti !" "Certes ... par curiosité, pourquoi vous vous êtes retrouvé dans l'intercalaire rouge ?" "Déjà parce que je suis un yéti, donc par défaut on estime que je fais peur aux gens, et ensuite parce que j'habite dans la montagne. Y'a pas beaucoup d'opportunités d'exercer des emplois utiles en montagne. Alors on m'a dit que c'était ma faute si j'avais pas d'emploi et on m'a mis dans les intercalaires rouges." "Vous avez pas eu plus de chance en ville ?" "Non, y'a pas d'emploi pour quelqu'un qui habite trop loin de tout comme moi, parce que je mets trop de temps à venir. On m'a dit de déménager mais je peux pas, si je reste trop longtemps à altitude trop basse, je meurs de chaud et je m'évanouis, même mes trépieds ont leurs limites." "Oui tiens j'allais y venir, pourquoi vous avez scotché des trépieds autour de vos jambes et de vos bras ?" "Ah ça c'est une petite astuce ! Vous voyez, dans la montagne on doit souvent jouer avec un relief capricieux, et c'est pas facile pour avoir une bonne vue sur l'horizon. Si vous avez un rocher qui vous bloque la vue, bah paf, vous pouvez pas voir ce qu'il y a derrière le rocher. Alors je me suis demandé si je pouvais pas me surélever pour contourner le problème, et c'est pour ça que j'ai attaché des trépieds à mes pieds. Si je veux me surélever, hop, j'ai juste à tourner les vis et je peux gagner quelques centimètres ou même plusieurs mètres !" "Et c'est quoi le rapport avec le fait de mourir de chaud quand vous êtes pas chez vous ?" "Bah je peux vraiment les surélever de beaucoup de mètres, donc si je suis à altitude trop basse, bah je peux tourner les vis très longtemps pour prendre plusieurs centaines de mètres et retrouver un peu de frais. Par contre plus je suis haut, plus j'ai du mal à marcher, c'est que c'est pas simple de garder l'équilibre sur ces machins." "D'accord, et pourquoi vous avez des trépieds aux mains ?" "Ça c'est justement pour résoudre le problème que je rencontre quand je suis trop haut : mes bras sont pas extensibles, donc pour tourner les vis même de très haut, j'ai aussi attaché des trépieds à mes bras pour tourner les vis des trépieds attachés à mes pieds. Bon par contre plus je tourne les vis des trépieds de mes pieds, plus je dois tourner les vis des trépieds de mes mains aussi du coup pour compenser, et rebelote quand faut redescendre." "Bon bien admettons. C'est tout de même intéressant votre dispositif, on va devoir passer par une très grande montagne assez loin d'ici, donc votre expertise de ce type de terrain va certainement vous permettre de vous joindre à nous !" "Et bien merci beaucoup, j'en pouvais plus de faire de la pub pour des vélos. En plus avec mes trépieds, je tombe systématiquement de ce truc. Je suis un yéti, vous avez déjà vu un yéti sur un vélo ? Non. Bah vous comprenez pourquoi maintenant. Bon sur ce vous m'excuserez, mais je dois prendre de la hauteur sur la situation." Sur ces mots, le yéti passa les trois heures suivantes à se surélever de trois cents mètres.
13.
Dans la file d'attente gérée par le lapin coincé dans un chapeau, le candidat le plus marquant fut certainement ce grille-pain bien bavard. "Bonjour, je suis Denis le Grille-Pain !" "Bonjour, je suis un lapin coincé dans un chapeau, enchanté, qu'est-ce que vous faites de beau ?" "Je suis boulanger ! C'était plutôt pratique comme poste pour un grille-pain !" "Ah oui je vois, très bien, on aura besoin de gens qui savent cuisiner, c'est super. Mais du coup, pourquoi vous vous êtes retrouvé dans l'intercalaire rouge ?" "Et bien c'est parce que j'en suis venu aux mains avec la personne en charge de mon dossier." "Comment ça ?" "Et bien c'était un jour assez tranquille à la boulangerie. Soudain y'a un gugusse qui rentre, et il me dit qu'il voudrait du pain de mie. Alors je lui présente la fournée du matin, et je lui propose un beau pain-demi. Et là il me dit qu'il voulait du pain de mie et pas du pain-demi, du coup je comprends pas vu que je lui ai bien donné un pain-demi, alors je lui donne un autre pain-demi de mon stock, mais là il me dit toujours qu'il veut du pain de mie. Alors là je lui propose de me montrer sur mon étal quel pain-demi il veut pour qu'on s'en sorte, et là il me sort qu'il voit pas de pain de mie, mais c'est pas possible vu que je lui en ai montré deux. J'essaie de garder mon calme et je lui demande ce qu'il veut faire avec son pain-demi, dès fois que je puisse lui faire des suggestions de menus. En fait il voulait griller du pain, et donc il cherchait du pain sans croûte pour que ce soit plus pratique, donc il a réclamé du pain de mie. Là je comprends encore moins parce que dans le pain-demi, il y a de la croûte, dans tous les pains en général même, c'est le principe de la cuisson, grillé ou non. Mais il me sort qu'au supermarché, il a vu du pain de mie sans croûte, alors il s'est dit qu'en boulangerie, il trouverait aussi du pain de mie mais fait maison du coup. Je comprends encore moins ce qu'il raconte, je commence à m'énerver et je lui dit de prendre mon pain-demi et qu'il enlèverait la croûte après. Mais non il voulait pas, il voulait son pain de mie. Alors je lui ai proposé mes autres pains, je lui ai présenté un pain complet plutôt qu'un pain-demi, et il m'a dit qu'il préférait encore manger du pain-demi que du pain complet, soi-disant qu'il se grille mieux. Toujours pour trouver une issue, je lui demande comment il compte le griller, et il me dit qu'il a un grille-pain, mais je suis bien placé pour savoir que ça fait mal de griller du pain dans un grille-pain vu que je suis moi-même un grille-pain. Alors je lui suggère de plutôt mettre du pain sur un gril, mais il me dit qu'il a qu'un grille-pain et pas de gril. C'est ballot quand même, et là il me demande même si je peux pas lui griller son pain à sa place pour voir si ça change quelque chose, mais je venais de lui dire que ça me faisait mal en tant que grille-pain de griller son pain. À la limite j'aurais accepté de griller du pain plus mou, comme du pain de mie, mais du pain-demi non. Lui aussi a commencé à se fâcher, et il m'a dit 'Je vais vous mettre un pain, Denis !', là je réponds 'Comment vous connaissez mon nom ? Vous me parlez pas comme ça !'. Bon sang j'étais tout rouge à ce moment, et c'est une expression vu que j'ai un revêtement gris, je suis pas un grille-pain rouge. Et là il me sort que je suis un grille-pain gris qui grille pas de pain-demi sauf du pain de mie et que c'est complètement stupide, et là c'est moi qui lui ai mis un pain ... et le lendemain j'étais convoqué à la fête de l'emploi pour rencontrer la personne en charge de mon dossier, et c'était lui. Dans la nuit j'avais compris qu'il voulait du pain de mie et pas du pain-demi mais c'était trop tard, j'étais dans l'intercalaire rouge même en ayant un emploi. Mais c'est sa faute aussi, pourquoi on s'est fâchés pour du pain de mie alors qu'on aurait pu s'en sortir avec du pain-demi, ça se grille aussi du pain-demi, mais pas dans un grille-pain. Vous comprenez mon point de vue, non ?" "... ouais. Vous êtes pris." "Merci beaucoup, vous ne le regretterez pas, je vous ferai mon meilleur pain-demi tout au long du voyage." "Oh moi vous savez je mange pas de pain." Sur ces mots, le lapin avec un chapeau prit du paracétamol.
14.
La session d'entretiens put se terminer avec l'embauche de la quasi-totalité des personnes présentes ! Seuls deux irréductibles ont préféré continuer de faire la promotion des vélos sans vraiment argumenter leur choix. Toute l'équipe prit la soirée et la nuit pour se préparer pour pouvoir quitter la ville au petit matin. Pourtant, dès ce petit matin, cette équipe rencontra un problème d'envergure alors qu'elle s'apprêtait à quitter la ville. Et pour comprendre ce problème, il nous fallait faire un retour en arrière. Voilà quelques années, la ville d'Hertzenfoulchenheim eut un projet d'aire de jeux située en périphérie de ses frontières. Un appel d'offres fut lancé pour savoir qui serait en mesure de construire cette aire de jeux dont l'objectif était de redynamiser la jeunesse des alentours. À la surprise générale, cet appel d'offres fut remporté. Le premier jeu pouvait alors être construit, il s'agirait d'une patinoire qui pourrait fonctionner toute l'année, ce grâce à l'utilisation d'un matériau plus que révolutionnaire : un carrelage en nickel. Le nickel bénéficie effectivement de propriétés méconnues, comme celle permettant à toute surface entrant en contact avec de glisser. Mais il était trop dangereux de créer une unique surface plane composée uniquement de nickel, il fallait donc couler cet élément sous forme de dalles, qui seraient ensuite fixées entre elles sous forme de carrelage. Un magasin de bricolage avait même réalisé une vidéo expliquant ces détails techniques à propos du carrelage, vidéo qui serait diffusée à l'entrée de l'aire de jeux pour que les familles puissent la consulter à tout moment. Les enfants allaient adorer ! Afin de renforcer les propriétés glissantes de ce matériau, il fut même décidé d'empiler deux couches de carrelage en nickel, afin que les dalles puissent se faire glisser mutuellement et ainsi augmenter l'aérodynamique de la piste ! Le jour d'inauguration de ce premier jeu était arrivé. Immédiatement, des dizaines d'enfants se ruèrent sur la piste pour l'essayer ! Mais il y avait un problème, l'administration d'Hertzenfoulchenheim n'avait pas pris de nouvelles de l'équipe de construction depuis des mois et s'était contentée d'ouvrir la piste au jour auquel il avait été convenu de l'ouvrir au moment de signer le contrat. Et il était trop tard pour se rendre compte du désastre à venir, un désastre provoqué par le fait ... que la piste glissait trop. Des dizaines de personnes ayant construit la piste avaient disparu depuis des mois, et pour cause, elles avaient glissé sur ce carrelage et s'étaient blessées ou tuées. N'ayant jamais pu finir leur tâche, elles avaient laissé leurs affaires de construction éparpillées sur toute la piste ! Toute la surface était jonchée de brouettes, de bétonnières, et parfois même de cadavres. Et les enfants s'étaient élancés sur cette piste, et avaient rencontré les mêmes soucis. Le carrelage n'était pas fini, il était facile de se coincer un membre dans une jonction et de tomber, et le nickel dans les dents, ça fait mal. En plus des blessures et des décès, les enfants glissaient tellement qu'ils rentraient dans les ustensiles de travail, et se tuaient encore plus fréquemment que les ouvriers, chargés de ce projet grotesque. Au vu des réactions mitigées recueillies envers les parents, il fut décidé de fermer cette piste de patinage et de ne plus continuer le projet d'aire de jeux. Cette piste avait été laissée à l'abandon, jusqu'à aujourd'hui, le jour où Florent et ses aventuriers devaient la traverser. Il fallait suivre la carte du lapin à la flèche près, c'était une règle de géographe, et les premières flèches traversaient cette piste. Mais Florent étant un magicien, il prononça une formule magique : "auieyoaeuyuoieyaueyauoeyaueyiyeioayeuiayeouiyaie" Le nickel se changea instantanément en terre meuble, ce qui permit à toute l'équipe de traverser sans encombre.
15.
La suite de notre aventure menait notre petite équipe dans les fonds marins. En effet, il serait nécessaire de traverser un petit lac pour continuer le chemin. Ce lac n'était long que de quelques mètres, mais la carte spécifiait bien qu'il fallait en atteindre le fond avant de remonter, et ce fond, personne ne l'avait jamais atteint. Au vu de la raideur de la pente sous-marine, il allait falloir descendre en rappel, ce qui n'est pas chose aisée à faire sous l'eau. Fort heureusement, un des membres de l'équipe était cordier, et avait apporté avec lui tout le cordage nécessaire pour couvrir plusieurs mètres. En revanche, personne n'avait pensé aux fixations. Il serait donc nécessaire de s'aider de la poussée d'Archimède pour ne pas tomber trop vite en cas de problème. Beaucoup de membres de l'équipage ne parvinrent pas à gérer ces contradictions des lois de la physique, et se noyèrent assez vite, soit à cause d'une chute mal négociée, soit à cause de l'eau, qui reste aujourd'hui la principale cause des morts par noyade. Mais la plupart réussit quand même à exercer une descente assez honnête dans ces abysses. En tête de cortège, Florent était parvenu à fouler le sol en premier. Du moins en théorie, car sa jambe ne répondant toujours pas, il était toujours contraint de se balader en vélo, ce qui pour une descente en rappel dans l'eau n'était pas simple non plus. Nombre d'espèces curieuses l'entouraient dans ces profondeurs insoupçonnées, mais vu qu'il y faisait nuit noire, il était impossible de les admirer, quel dommage. "Valeureux chevaliers !" Une voix caverneuse avec un lourd écho s'était faite entendre. Impossible de deviner d'où provenait le son, qui semblait rebondir sur l'eau tout autour, mais aussi parce qu'il faisait nuit, on l'a déjà dit. "Valeureux chevaliers !" L'appel était plus insistant, les membres de l'équipe encore en vie baladaient leurs regards partout mais ne décelaient rien. "Oh ! Je vous parle !" "Mais ... vous êtes où ?" osa Florent qui ne voyait rien non plus malgré ses compétences. "Mais là, oh ! C'est pas possible de rien voir comme ça !" "Bon ... même si on vous voit pas, on peut se parler, qui êtes-vous ?" "Je suis le Paroxysme des Abysses !" "Mais ... un paroxysme c'est intangible." "Exactement !" "Du coup, c'est pour ça qu'on vous voit pas." "Félicitations ! Vous avez résolu ma première énigme !" "Ah." "Vous êtes au Paroxysme des Abysses, il n'existe pas de point plus profond ... du moins pas dans ce lac." "C'est vrai, le fond de ce chapeau est bien plus profond." enchaîna le lapin coincé dans le chapeau qui se sentait laissé de côté depuis tout à l'heure. "Félicitations ! Vous avez résolu ma deuxième énigme !" "Ah." "Vous allez à présent pouvoir résoudre ma dernière énigme ... qu'est-ce qui est gris ?" "Moi !" répondit le grille-pain gris qui grille pas de pain de mie ou sauf du pain de mie, non, du pain de mie sauf du, oh je sais plus. "Félicitations ! Vous avez résolu ma dernière énigme !" "Ah." "Bon courage pour la suite de votre quête, votre détermination vous fera atteindre des sommets." "Pas en ce moment ceci dit." reprit le lapin dans un trait d'esprit. "Et du coup, qu'est-ce qu'on gagne pour avoir résolu vos énigmes ?" demanda Florent. "Le plaisir d'avoir pu résoudre les énigmes retorses du Paroxysme des Abysses." Toute l'équipe ressortit ensuite du lac, moyennant quelques noyés de plus pendant la remontée. Personne n'avait jugé cette expérience plaisante.
16.
Les jours avaient passé, et voilà que nos aventuriers faisaient face à un immense fossé, duquel émanaient des hurlements que l'on aurait cru provenant de damnés. Le lapin coincé dans un chapeau savait ce que c'était. "Ah, je sais ce que c'est." "Vous savez ce que c'est ?" rétorqua Florent la Banane-Magicienne. "Oui, je sais ce que c'est." répondit le lapin. "Et bien allez-y, ça s'appelle comment ?" "Ça a pas de nom cet endroit." "Mais encore ?" "Cet endroit, c'est un fossé." "... continuez." "C'est un fossé rempli d'anciens intercalaires rouges." Des chuchotements se faisaient entendre dans la troupe. "Oui bah c'est pour ça que j'ai traîné avant de répondre, j'essayais de trouver un euphémisme pour l'annoncer, mais rien à faire, c'est un fossé rempli de gens comme vous ... En fait l'histoire a été révélée y'a pas très longtemps. Un jour, un des gugusses de la fête de l'emploi s'est renversé une tasse de tisane brûlante sur la cuisse, il a poussé un cri si fort qu'il en a perdu la raison peu après, et a eu une idée atroce suite à cet accident. Dès le lendemain, il a commencé à convoquer les gens placés dans des intercalaires rouges, et ce pendant des mois, pour leur proposer de sortir de cette situation en leur donnant une place de choix dans un grand projet de générateur d'énergie perpétuelle. Sans plus de détails, les gens acceptaient, parce qu'il existe rien de pire au monde que d'être dans leur situation. Mais en fait ... ce qu'il a pas précisé ... c'était que l'énergie perpétuelle, ce serait eux." Des frissons glaçaient le sang de bon nombre de gugusses de la troupe. "Le type de la fête de l'emploi les envoyait ensuite pas loin d'ici, dans un couloir qui les mènerait dans ce fossé. Il se finissait sur une trappe qui pouvait pas s'ouvrir depuis le fossé, du coup les gugusses restaient coincés dedans. Et une fois là-dedans, un système de canalisations leur balance de l'eau bouillante dessus, ce qui les fait hurler. L'eau est ensuite récupérée dans des égouts en-dessous, puis réchauffée, puis rebalancée sur eux ensuite, à l'infini. L'action des hurlements combinée à la vapeur parfois provoquée par l'eau provoque un anticyclone qui fait que ça fait des bourrasques d'air s'échappant du fossé. Et y'a tellement d'énergie produite de la sorte qu'on peut pointer un ventilateur vers le vide, l'allumer, se mettre debout dessus ... et on flotte ! Mieux, on peut rejoindre l'autre rive du fossé comme ça, et c'est ce qu'on va devoir faire." "Mais ... et c'est encore en marche ?" demanda Florent apeuré. "Oui, le type qui les balançait dans le fossé a été arrêté, mais personne a encore trouvé comment les sortir de là. Du coup on les a laissé, parce qu'ils produisent quelque chose quand même et on a estimé que c'était moralement plus acceptable que de les remettre dans l'intercalaire rouge." Plusieurs gugusses de la troupe avaient rebroussé chemin, invoquant une clause de conscience à raison. Les autres commençaient à s'équiper chacun d'un ventilateur pour traverser la zone. Comme pour les abysses, Florent et le lapin étaient partis devant, équipant un ventilateur sous leur vélo. La traversée fut perturbante, la chaleur provenant de la vapeur et les hurlements continus des victimes de ce terrible dispositif provoquaient des maux de tête carabinés. Plusieurs gugusses de la troupe avaient même chuté dans le vide, et ainsi rejoint les victimes. "Y'a encore beaucoup d'endroits pénibles comme ça sur votre carte ?" demanda Florent perturbé au lapin. "Quatre ou cinq je dirais, faut pas oublier que c'est sensé être une épreuve d'atteindre votre Bâton." "Et pourquoi faut suivre la carte à la lettre ? On pouvait pas juste contourner ce fossé et continuer ?" "Non, on pourrait louper un indice ... comme ça par exemple." Des cormorans avaient établi leur nid dans le fossé juste sous leurs pieds. "En quoi c'est un indice ?" "Ah ça j'en sais rien, mais vous noterez qu'on aurait pas vu ça si on avait contourné le fossé, comme on aurait pas vu le machin des abysses si on était pas allé tout en bas." La traversée finit par se terminer sur sa fin, sans que l'équipe n'en déduise de véritable indice. Tout le monde était traumatisé par contre. Ça valait bien la peine.
17.
La prochaine étape du périple de Florent, du lapin et de leur équipe allait être bien plus agréable. En effet, il était question de traverser la fameuse Route Gourmande, une route sur laquelle moult commerçants et commerçantes proposaient de la nourriture à qui en voudrait, ce qui tombait bien, la plupart des personnes passant sur cette route étant venues pour manger. Un souci se levait cependant : la carte du lapin indiquait que l'équipe devrait faire une halte à chaque stand sur une durée prolongée, afin de prendre le temps de déguster chaque spécialité qui leur serait proposée. La route étant composée de dizaines de stands, le périple allait finalement s'avérer être moins agréable que prévu. Une liste non exhaustive de ce que l'équipe avait mangé incluait : - un assortiment d'olives de sept couleurs sur lit de tapenade mixte et d'huile. - un vrac de pistaches, de chips, de cacahuètes avec une sauce au fromage blanc et à l'huile. - un bac complet de petits légumes à croquer incluant tomates, carottes, céleri, chou, le tout grillé sur un lit d'huile. - un assortiment de charcuteries incluant du saucisson, du jambon, et à nouveau du saucisson, le tout relevé à l'huile. - une salade composée avec une sauce moutarde et fromage et des radis revenus dans l'huile. - une galette panée et fourrée avec cinq types de viandes cuites à la poêle puis plongées dans l'huile. - un plat de pâtes tricolore au basilic, au fromage et à la tomate, le tout accompagné d'une pointe d'huile. - trois litres de yaourt à la crème et aux fruits de saison, avec un assaisonnement à l'huile. - une glace vanille-café-chocolat-fraise-pistache-melon, posée sur des cônes plongés dans l'huile. Arrivant sur la fin de la route, l'équipe était dans un état épouvantable. Plusieurs membres avaient même succombé à diverses formes d'indigestions. Les autres ne se sentaient plus capables de manger jusqu'à la fin de leurs jours. Mais le pire arrivait ... le dernier stand était tenu par un commerçant qui n'était que trop familier ... "Ah ! Mes mangeurs de BISCUITS FISSURÉS !" Vu qu'il était assez agressif en général, il était impossible de savoir si le canard de la biscuiterie était ravi ou énervé de revoir Florent et le lapin qu'il avait intoxiqué plusieurs mois plus tôt. "J'ai peut-être fermé ma BOUTIQUE, mais je veux TOUJOURS faire des biscuits. Et je vous AI VUS, VOUS AVEZ TOUS TOUT MANGÉ À TOUS LES STANDS ! Alors vous allez AUSSI manger mes BISCUITS !" Florent se tourna vers le lapin en posant une question à voix basse, le tout en retenant ses contractions d'estomac. "On a ... trouvé aucun indice sur ... tous ces stands, ce serait ... quand même pas de chance qu'il ... y en ait un sur celui ... auquel il faut surtout pas s'arrêter ..." "Et puis j'ai une SURPRISE, dans un de mes BISCUITS, il y a une PRÉDICTION CACHÉE sur un PAPIER. J'ai vu ça dans D'AUTRES BISCUITS." "... je suis désolé ..." répondit le lapin désemparé. Mais ce dernier avait également ... des contractions d'estomac, et surtout une idée, ponctuée par une volonté de vengeance assez cruelle. "... écoutez ... on vous prend tout votre stock ... mais en échange ... vous allez acheter une part de pain de mie à notre ami grille-pain ici présent ..." "MARCHÉ CONCLU ! En plus J'ADORE le pain de mie, j'en mets dans mes BISCUITS." Le biscuitier alpagua le grille-pain gris qui grille du pain-demi ou un truc comme ça. "Eh VOUS ! Je vais vous prendre du pain de mie !" "C'est comme si c'était fait !" répondit le grille-pain en lui tendant du pain-demi. "Mais NON ! Ça c'est du pain-demi, je peux RIEN en faire ! Vous avez pas plutôt du pain de mie ? C'est pour le griller dans mes biscuits. Deux heures plus tard, la Route Gourmande avait été mise à feu et à sang par le grille-pain trop énervé, le tuant lui, le biscuitier, plusieurs commerçants et membres de la troupe au passage. Mais Florent et le lapin avaient bien trouvé leur petit bout de papier, sur lequel était écrit ... "biscuit".
18.
La prochaine étape du voyage faisait passer Florent, le lapin et leur compagnie par une muraille de pierres très ancienne. Il leur fallait traverser une arche qui reliait les deux côtés. "Ah chouette, je voulais visiter cet endroit à un moment, je suis content qu'on passe par là." s'enthousiasma Florent. "Ah bon ? Je connais pas cette muraille, qu'est-ce qu'elle a de particulier ?" rétorqua le lapin géographe qui n'était décidément pas incollable en géographie. "C'est une ancienne muraille qui a été érigée par un peuple qui voulait éviter de se faire attaquer par un autre peuple. On dit qu'elle a été construite en une nuit dans l'urgence, mais avec l'aide de tous les magiciens de la région qui ont invoqué des forces mystiques pour y parvenir." "Je vous demande pardon ?" Cette dernière réplique avait été prononcée par un gugusse qui tenait un guichet implanté sous l'arche. Il s'agissait a priori d'un garde-frontière, mais personne lui avait demandé son avis donc c'est ce qui a été déduit. "Et bien, je disais que cette muraille avait été érigée avec des forces mystiques et que "Teupeuteupeuteup, pouvez-vous le prouver ?" "Et bien c'est une histoire qu'on se partage entre magiciens et "A-t-il été admis SCIENTIFIQUEMENT que des preuves tangibles du fait que cette muraille a été érigée par des forces SURNATURELLES et qui DÉPASSENT L'ENTENDEMENT, OUHOUUUUU, existent ?" "Mais c'est pas comme ça que les historiens travaillent." "Ah ? Vous pensez mieux connaître l'Histoire que les historiens ! Osez me pardonner de mon erreur, vous êtes certainement détenteur d'un doctorat !" "Mais qu'est-ce que vous me cassez les pieds à la fin, au pire c'est une jolie histoire de folklore et j'ai un peu diverti mon ami lapin, est-ce que c'est si grave ?" "On ne DÉROGE PAS à la rigueur scientifique espèce de charlatan ! Vous manipulez les biais des gens avec vos récits tarabiscotés et insensés. Mais bon, vous avez dit que vous êtes magicien c'est ça ? Et bien ce n'est pas étonnant, c'est un métier déplorable." "Oh mais c'est pas vrai, ça fait des semaines qu'on marche loin de toute allusion à la fête de l'emploi et on tombe sur vous !" "Et c'est qui les ahuris qui vous accompagnent, c'est une secte, c'est ça ?" "On est parti à la recherche du Bâton Fabuleux, la mère de toutes les baguettes magiques." "Oui, c'est une secte du coup. Je la connaissais pas celle-là." "Mais je suis vraiment magicien, tenez, je vais vous le prouver, choisissez une carte." "Elles sont où vos cartes ?" "Hop ! Sous les pierres derrière vous ! Vous expliquez ça comment ?" "Vous avez très bien pu vous introduire dans mon local quand je n'y étais pas et les y placer. Refaites votre expérience en double-aveugle randomisé et soumettez l'article constatant vos résultats. On fera ensuite des méta-analyses et je pourrai vous dire si vous êtes magicien d'ici sept ans, six si on a de la chance." "Bon écoutez on va juste partir, la route est encore longue." "Vous savez que j'ai raison, et je peux vous le prouver tout de suite ! Plusieurs de vos camarades ont quitté le groupe depuis le début de notre conversation, c'est mon débunkage qui les a convaincu !" Le lapin coincé dans un chapeau intervint. "Écoutez-moi bien espèce de vieux cornichon aigri, on a pas fait tout ce chemin pour se faire rembarrer par un rat de laboratoire qui vit dans un guichet humide, et qui est pas fichu d'appliquer ses reproches à lui-même, vu que vous êtes plus prompt à affirmer que des gens quittent un groupe grâce à vous et pas juste parce qu'ils partent prendre l'air plus loin pour éviter d'attraper mal au crâne à cause d'un père-la-morale. Alors maintenant vous allez la boucler et nous laisser passer, sinon sceptique ou pas sceptique, j'hésiterai pas à vous pousser dans la fosse qu'on a traversé l'autre jour juste pour plus vous entendre." "Oh ! Des attaques sur mon physique ! De la violence ! Vous êtes à court d'arguments et je peux vous "Mais en fait pourquoi on s'en va pas, juste ? Il a pas dit qu'on avait pas le droit de passer." souligna Florent réalisant soudainement qu'on aurait pu éviter ce chapitre. Le groupe s'exécuta et continua paisiblement sa route.
19.
Les jours se suivaient et se ressemblaient. Une nouvelle épreuve attendait désormais la Communauté du Bâton, qui se nommait ainsi à l'initiative d'une seule personne du groupe qui trouvait le nom sympa mais les autres non. Voilà que le groupe faisait face à une immense prairie qui semblait pivoter selon un axe central. Au milieu de cette prairie se dressait un mât, auquel étaient attachés des dizaines de milliers de vêtements, mais surtout des tabliers. Ces tabliers pivotaient également en conséquence à une vitesse foudroyante, et ce sur toute la surface de la prairie, sur des dizaines de mètres de haut. "Ah ... la Toupie des Tabliers." déclara le lapin coincé dans un chapeau, dont la tension avait soudainement fait un bond. "La quoi ?" répondit Florent qui avait récupéré son inculture en géographie depuis le chapitre précédent. "Vous vous souvenez de la Route Gourmande par laquelle on est passé voilà quelques semaines ?" "C'est difficile à oublier, on a plus rien mangé depuis. Je crois que les biscuits de l'autre ont définitivement détruit notre système digestif." "Ici, on est sur le site des toutes premières Routes Gourmandes, site qui a été abandonné aujourd'hui, vous voyez pourquoi. Tous ces vêtements, tous ces tabliers, ce sont ceux des cuisiniers et cuisinières qui ont péri par la faute d'un commerçant un peu trop avenant. Vous voyez, à l'époque, la Route Gourmande incluait une notion de compétition. Le commerçant qui aurait eu la meilleure idée gagnait. Que gagnait-il ? Qui décernait le prix ? Sur quelles bases définissait-t-on la meilleure idée ? Ça, personne ne l'a jamais su, pas même les contemporains de cette épreuve. Il fallait juste gagner. Alors pour gagner, ce commerçant trop avenant s'est dit qu'il allait inventer la cuisson au vent. Il avait préparé plein de petits gâteaux, et branché plusieurs dizaines d'éoliennes et de ventilateurs en direction de ses petits gâteaux. Il s'est dit qu'en accumulant assez de vent, cela provoquerait une force de frottement telle que ça pourrait cuire ses petits gâteaux. Mais en mettant son dispositif en marche, le vent provoqué était tellement fort qu'il a désolidarisé le sol qui s'est mis à tourner comme une toupie. Tout le monde en est mort, leurs étals se sont décomposés et ont formé un mât de câbles et de fondations qui ont fusionné dans l'axe, et leurs vêtements s'en sont désolidarisés à leur tour pour former ce que vous voyez là en ce moment, une Toupie qui fait pivoter des dizaines de milliers de Tabliers en l'air." "Et donc il va falloir qu'on passe là-dedans ..." "On doit terminer cinq tours, dans le sens contraire de la rotation." "... on peut faire les tours près de l'axe ? Ce sera plus vite fini." "Non, plus on s'approche du centre, plus ça souffle fort, plus il y a de vêtements, plus on va se prendre des coups et potentiellement finir emporté dans le cycle, ou pire." Le groupe finit par poser le pied sur la toupie. Le sol était comme un manège bien trop grand, dans lequel le tournis finit par l'emporter sur le bon sens. Par chance, plus personne n'avait d'estomac depuis l'ancienne Route Gourmande, et il leur était donc devenu impossible d'avoir des nausées considérables. Mais tout de même. Plusieurs membres se prenaient des coups de tabliers, certains mourraient sous les coups répétés de ces vêtements envolés, comme si les cordes à linge avaient décidé de se révolter et d'attaquer les espèces vivantes de ce monde. Jamais plus les survivants ne verraient de manège, ni de corde à linge de la même manière. "Attendez, mais je connais un sort pour immobiliser les surfaces !" Florent s'était soudainement souvenu de son métier. "Tournicoti, tournicota, rouli-roula et bien non !" Après des dizaines d'années de rotation, la prairie s'était enfin stoppée, et les vêtements étaient tombés au sol. "Vous auriez pas dû faire ça, on va peut-être rater l'indice !" souligna le lapin coincé dans un chapeau. "Ah oui c'est vrai. Bon bah ... Tournicoti, tournicota, rouli-roula et bien oui !" La rotation avait repris de plus belle, et le groupe parvint au terme de ses cinq tours, sans trouver d'indice, mais avec plusieurs pertes de membres, dont celui qui avait trouvé le nom de la Communauté du Bâton. Cela avait soulagé tout le monde.
20.
Florent, le lapin et leur troupe étaient parvenus au bord d'une plage paradisiaque. Comme dans toute plage paradisiaque, il y avait du sable et de l'eau, ce qui est considéré par certaines personnes comme source de tranquillité. "Alors d'après les flèches de la carte ... on doit s'arrêter et patienter pendant trois semaines ici." décrypta le lapin à partir d'une flèche incurvée et d'un trou dans le papier. "Ah bon ? Mais ça va nous aider en quoi ?" s'interrogea Florent. "C'est une convention de carte d'aventure chez les géographes, comme quoi il faudrait faire des pauses dans la quête, pour prendre des vacances. Donc c'est assez commun de trouver des cartes comme ça qui vous disent de ne rien faire pendant une longue période, de juste rester cool et de profiter avant de repartir." La troupe décida de suivre l'instruction et de se détendre. Ils choisirent de rester debout au milieu de la plage sans rien faire pendant trois semaines.
21.
"trois ... deux ... un ... zéro, c'est bon, ça fait trois semaines !" déclara Florent la Banane-Magicienne ravi de voir les vacances en station debout terminées. Une partie de la troupe avait pu reprendre la route, l'autre non car étant morte d'insolation. Le trajet de la carte fit passer le groupe par un très haut massif montagneux. Ce massif avait pour particularité singulière d'être recouvert ... d'une forêt d'endives géantes. "Ah voilà, on est presque arrivé !" annonça le lapin coincé dans un chapeau de manière assez guillerette. "Hein ? Au milieu des endives ?" répondit Florent de manière étonnée. "Oui, quelque part dans cette forêt, il y a l'entrée d'une grotte qui est cachée. On doit traverser cette grotte, résoudre une énigme, et l'énigme résolue, le chemin vers le Bâton nous sera ouvert." "Mais pourquoi l'entrée est dans des endives ?" "Ici, avant, c'était une plaine montagneuse. Et puis un jour un fermier est arrivé, et a semé des centaines et des centaines d'endives sur toute la surface. Tout le monde détestait les endives, sauf lui, il adorait ça et était persuadé que tout le monde en mangeait. Donc il a semé plein d'endives pour en distribuer à tout le monde. Quand il a réalisé que personne ne voulait de ses fichues endives, il a pas eu la foi de tout déterrer, et s'est contenté d'en faire une réserve personnelle. À sa mort, personne n'a voulu s'occuper de son champ d'endives, qui n'a cessé de croître jusqu'à aujourd'hui, au point de devenir une forêt invasive, classée dans le patrimoine de la pollution par plusieurs organisations. Sérieusement, regardez ce chantier, rempli de trucs dégueulasses et qui servent à rien, c'est une catastrophe semi-naturelle." "Et il a pas laissé d'indication pour trouver notre grotte ?" "Non, il voulait juste semer des endives." Pour trouver la grotte plus efficacement, le groupe se sépara en plusieurs entités. Chacune était par ailleurs équipée de trépieds grâce à l'intervention du yéti sur trépieds, habitué aux chemins de montagne, et qui était parvenu à survivre jusqu'ici malgré son dispositif très contraignant. Cette forêt d'endives s'avérait néanmoins très sauvage, des cormorans y avaient établi leurs nids et attaquaient quiconque s'en approchait, parfois jusqu'à la mort, ce qui arriva à une grande partie de la troupe. Cela restait un chemin de montagne, peu facile à pratiquer même avec des trépieds, il n'était ainsi pas rare de glisser et de dévaler une pente sur plusieurs mètres, le tout en étant roué de coups par les endives géantes sur le passage, parfois jusqu'à la mort, ce qui arriva à une grande partie de la troupe. Le yéti n'était quant à lui pas en reste, bien qu'habitué à la montagne, il était par contre allergique aux endives et décida de rebrousser chemin. Le temps de surélever ses trépieds pour s'éloigner du sommet de la forêt lui serait bien insuffisant. "Là ! Au loin ! Une endive au jambon !" Florent la Banane-Magicienne s'était exclamé avec bonheur. En surélevant à son tour son vélo avec l'aide de ses trépieds, il avait pu apercevoir au loin une des endives qui était en grande partie enroulée dans une immense tranche de jambon. C'était forcément un indice. Arrivés à l'endive mystérieuse, Florent et le lapin décidèrent de dérouler la tranche de jambon qui était autour, ce qui eut pour effet de décomposer l'endive, qui fit apparaître une grotte en son cœur. "C'est bon, on a trouvé, venez ici !" s'écria le lapin pour rappeler les membres de la troupe qui cherchaient la grotte en d'autres coins. ... mais après plusieurs heures d'attente, il fallait admettre l'évidence : les derniers membres de la troupe s'étaient perdus dans la forêt et ne reviendraient plus ... Au fil du trajet, depuis Hertzenfoulchenheim, la cinquantaine de personnes qui accompagnait Florent et le lapin avait fini par être entièrement décimée.
22.
Le parcours de la grotte était relativement décevant. Il s'agissait d'une bête ligne droite au milieu de la roche. Aucun virage, aucune porte, aucune décoration pittoresque, c'était juste un tunnel nul. Et puis Florent et le Lapin arrivèrent au bout de la grotte, et y virent leur première porte, qui ressemblait à une banale porte en pierre avec une poignée sur le côté, si ce n'est que deux éléments gravés dessus la rendaient particulière. En premier lieu, une réplique parfaite de la carte décrivant le chemin de Hertzenfoulchenheim à cette porte ; en second lieu, un texte cryptique, que Florent lut à voix haute pour en faire profiter tout le monde. "Nobles chevaliers, ou vaillants palefreniers. Jusque cette porte vous êtes arrivés, pour cela soyez félicités. Un long périple vous avez traversé, et une relique vous sera proposée. Mais pour cela vous devez, résoudre l'ultime énigme de cette épopée. Pour que la solution soit trouvée, la réflexion va devoir s'absenter ... ouais bah ça nous aide pas." "Attendez, c'est bizarre, la dernière phrase elle rime pas avec les autres." "Non, ça c'est pas écrit sur la porte, c'est ma réflexion personnelle." "Ah, mais non du coup, l'énigme elle a dit qu'il fallait pas réfléchir, donc vous êtes déjà trop loin." "Bah vous êtes drôle vous, comment vous voulez résoudre une énigme sans réfléchir ? Même si la solution est toute bête, il faut la trouver." "Ça doit avoir un rapport avec les destinations qu'on a traversé, vu que la carte est gravée dessus, faut sûrement qu'on appuie sur les flèches des endroits les plus notables. On est passé par où, déjà ?" "On a commencé par cette zone en nickel." "Ensuite on a visité les abysses et on a rencontré le paroxysme." "Puis on a volé au-dessus de cette zone, et au milieu on y a vu des cormorans." "On a mangé trop de choses et on a détruit notre système digestif avec des biscuits." "Puis on est passé sous une arche et on a rencontré un cornichon." "Ensuite on a franchi des rangées de vêtements furieuses qui tournaient comme une toupie." "Là c'est le moment où on a pris des vacances." "Et puis on est arrivé dans cette forêt d'endives et on a trouvé cet endroit avec du jambon." "Et enfin on est devant cette porte." "... voilà c'est tout ? Vous avez bien appuyé sur tous les points qu'on a cité ?" "Nickel, paroxysme, cormoran, biscuit, cornichon, toupie, vacances, jambon, porte, ... oui." "... et il s'est rien passé ?" "Bah écoutez, j'ai même pas eu l'impression d'appuyer sur des boutons en fait, juste de frôler des bouts de pierre." "Ça c'est curieux, je vois pas ce qu'on pourrait trouver de plus simple comme solution qui exige une absence de réflexion ... pourtant on a tous les indices, il reste un lieu notable qu'on a pas mentionné ?" "Bah non." "C'est incroyable tout de même, comment on pourrait ouvrir cette porte ?" "En poussant la poignée ?" En absence de toute réflexion, Florent poussa la poignée en prononçant cette phrase, et la porte s'ouvrit. Derrière la porte, il y avait le fond d'un puits très large. Au milieu de ce puits trônait une banale baguette noire aux bouts blancs jetée négligemment au sol et baignée de la lumière provenant du haut du puits. "... le Bâton Fabuleux !" s'exclama Florent la Banane-Magicienne. "Et bah c'est pas dommage. Bon allez, maintenant je peux vous tuer." "... hein ?"
23.
"Quand vous m'avez adressé la parole pour la première fois, j'ai longtemps insisté sur le fait que ça faisait sept ans que vous me gardiez captif dans votre chapeau. On est parti à l'aventure pendant au moins un an depuis, donc ça fait potentiellement HUIT ANS que je suis coincé dans ce chapeau. Et après sept ans de mépris, vous en avez passé un de plus à jamais me demander mon avis, à aucun moment vous vous êtes demandé si j'avais pas envie de sortir, vu que je pouvais pas sortir de moi-même !" "Mais ... vous m'avez rien demandé non plus !" "Non seulement vous exercez un métier de guignol mais en plus vous avez aucune initiative, c'est pas étonnant qu'ils vous aient mal classé à la fête de l'emploi." "Bah attendez du coup, je vous aide à sortir maintenant." "C'est pas la peine, c'est trop tard, le mal est fait. Je vous ai dit dès le départ que ma vie était fichue désormais." "Bah je vous laisse dedans du coup." "De toutes façons, vous vous êtes jamais soucié de savoir ce que je voulais, ça fait un an que vous me trimbalez partout sans me demander mon avis !" "Mais décidez-vous bon sang ! Vous voulez sortir ou pas ?" "Vous comprenez rien !" "Vous arrivez pas à vous décider non plus !" "Vous avez bousillé ma vie et continué de le faire comme si de rien n'était. Je vous hais vous m'entendez ? Je vous hais !" "Mais vous vouliez quand même partir à l'aventure avec moi à un moment. Un géographe pour guider un magicien vers sa relique suprême ! On s'est tellement bien accordé qu'on finissait les phrases de l'autre devant la porte tout à l'heure !" "CETTE PHASE ÉTAIT RIDICULE !" "Et puis vous avez pris plaisir à déchiffrer cette carte et à nous guider pendant des mois et des mois ! Vous avez quand même des compétences pour lire une carte que j'aurais pas eu, moi !" "Et voilà, vous ramenez de nouveau tout à vous." "Quoi ? Mais je viens de vous complimenter !" "Mais vous vous autoréférencez quand même dans le tas parce que vous êtes ingrat." "Attendez, on vient de traverser un nombre incalculable de régions avec pas loin de cinquante personnes. Si on est là aujourd'hui c'est quand même l'esprit d'équipe qui nous l'a permis !" "Ah oui, belle équipe ! Cinquante personnes qui se sont soit barrées, soit tuées pour votre pomme." "Je vous signale que vous meniez ce groupe autant que moi." "Je pouvais pas ! J'étais coincé dans un chapeau, pauvre tâche !" "Et puis pourquoi vouloir me tuer seulement maintenant ? Vu tous les endroits horribles par lesquels on est passé, vous avez eu des dizaines d'occasions de le faire." "JE POUVAIS PAS ! J'ÉTAIS COINCÉ DANS UN CHAPEAU, PAUVRE TÂCHE !" "... bon ... écoutez ... calmez-vous ... Ne laissez pas s'évader votre haine, on est arrivé ..." "ET COMMENT QU'ELLE VA S'ÉVADER MA HAINE. ELLE VA TELLEMENT S'ÉVADER QUE VOUS ALLEZ FINIR EN CHARPIE AU PIED DE VOTRE SUPER BAGUETTE MAGIQUE." "... mais ... de toutes façons, vous pouvez pas bouger." "Vous faisiez bien avancer votre vélo avec votre volonté magique, non ? Moi, ma haine va me permettre de sortir de ce chapeau pour vous écrabouiller !" "..." "... gngngngngngngnnn ..." "Ah bah oui, vous pouvez pas me tuer maintenant non plus en fait." "... bon, j'arrive pas à sortir. Mais je jure de me venger de vous, et de vous tuer jusqu'à ce que vous soyez mort !" "Vous voulez vraiment pas que je vous aide ?" "Je veux vous tuer bougre d'andouille ! Si vous m'aidez vous mourrez !" "Je connais un sort de téléportation, vous serez hors du chapeau en moins de deux !" "Ah bah c'est au bout d'un an de voyage pénible que vous le dites, merci !" "C'est vous qui avez insisté pour qu'on suivre la carte précisément, pour récupérer des indices qui nous ont finalement pas servi." "Je sais pas encore comment je vais m'évader de là, mais une chose est sûre, s'il y a bien une chose qui s'évadera pas, C'EST MA HAINE POUR VOTRE INGRATITUDE." "Attendez, la formule de téléportation c'est quoi déjà ... c'est la fusion de deux mots ..." "Je vous souhaite de la trouver vite AVANT QUE JE VOUS FLAMBE." "... Téléportoi !"
24.
Le sort avait fonctionné, le lapin avait complètement disparu, seul subsistait le chapeau de Florent, que ce dernier récupéra désormais vide. "Valeureux magicien !" Une voix familière avait retenti dans la pièce où seuls lui et le Bâton Fabuleux étaient désormais présents. "... je connais cette voix ! Paroxysme des Abysses, c'est vous ?" "Non ! C'est mon cousin, mais tout le monde a la même voix qui fait de l'écho dans notre famille." "Et vous êtes qui, vous alors ?" "Je suis l'esprit qui surveillait cette pièce depuis des temps immémoriaux. Je me devais de voir qui serait la personne à récupérer le Bâton Fabuleux après des siècles d'attente." "Et bien c'est moi du coup." "Valeureux magicien ! Ton cœur est valeureux. Ton esprit est valeureux. Ton corps est valeureux." "Vous connaissez qu'un seul adjectif ?" "Pardonne-moi, après des siècles passés dans cette salle sans parler à personne, mon vocabulaire s'est appauvri." "Bon, et bien le bonjour chez vous du coup. Moi faut que je rentre chez moi maintenant." "Patiente, valeureux magicien ! Ne souhaites-tu pas en savoir plus sur l'objet que tu as découvert ?" "Et bien ... pourquoi pas ... mais je me suis déjà pas mal documenté dessus. Je suis assez polyvalent dans la magie. C'est pas une compétence très reconnue là où je vis." "Tes contemporains ont tort. En choisissant la magie, tu as fait de ta passion une pratique qui habite tes sens. Si tu as une leçon à retenir d'un vieil esprit comme moi, c'est de ne jamais te laisser dicter ce que tu dois faire, ignore les pressions de ta société, et tu vivras plus heureux." "C'est plus facile à dire qu'à faire." "... hmm ... oui ça se tient, pardon pour cette réflexion. Donc, oui, le Bâton Fabuleux. Je vois que tu ne peux plus te servir de tes jambes." "Ah oui, ça c'est parce que je suis sous anesthésie depuis l'an dernier parce que j'ai mangé des biscuits." "... je ne sais pas si je désire comprendre ce qui t'arrive, mais sache que le Bâton Fabuleux peut retirer les effets de cette anesthésie." Sur ces mots, le Bâton flotta dans la pièce, percuta la jambe de Florent, et celle-ci retrouva sa vitalité. "Ah, et bien merci du coup. Tenez, je vous offre mon vélo en échange, j'en ai plus besoin." "Je suis un esprit, je ne peux pas faire de vélo." "Et bien vous l'offrirez à votre neveu, je sais pas, j'ai plus envie de le trimballer de toutes façons. C'est un vélo sponsorisé, si on me voit rentrer avec alors que j'ai effacé les pubs qui étaient dessus comme je l'ai reçu, ça va mal se passer pour moi." "Et pourtant, le Bâton Fabuleux te permet de téléporter ce que tu veux où tu veux. Regarde ... Téléportoi au magasin de bicyclettes !" Sur ces mots, le Bâton clignota comme un feu arrière de vélo, pointa le VTT, et le VTT disparut. "Oui, j'en ai lancé un, des sorts de téléportation tout à l'heure." "Oui ... mais le Bâton Fabuleux te permet de préciser une destination de téléportation." "... tiens, c'est vrai, je me demande où le lapin est passé." "Moi, j'ai vu où il a été envoyé. Il ne pouvait pas tomber en un pire endroit. Un lieu secret ... ignoré de tous ... où vit une chimère composée de plusieurs âmes obscures ... une chimère qui dispose de noirs dessins, et qui menace notre monde tout entier ..." "Oui d'accord mais bon moi maintenant j'ai un voyage retour à faire sur un an, et on peut pas se téléporter soi-même avec le Bâton Fabuleux. Je promets d'y faire attention, au nom de toutes les magiciennes et de tous les magiciens qui m'ont précédé." "Sages paroles, valeureux magicien. Va ! Et que t'accompagne la valeureuse prospérité ..." Florent rentra chez lui, seul, mais désormais accompagné du Bâton Fabuleux lui permettant d'esquiver toutes les épreuves, qu'il finit par ne pas utiliser parce que c'était quand même plus pratique en contournant les obstacles et en prenant des raccourcis. Il mit en conséquence trois fois moins de temps au retour qu'à l'aller pour rentrer chez lui, et se promit de ne plus jamais écouter de géographe de sa vie. Rentré à Hertzenfoulchenheim, son statut de meneur d'équipe lui avait permis de sortir de l'intercalaire rouge, et il décida de se faire discret pour ne plus y retourner. Il se savait toujours dans une position délicate vis-à-vis de sa profession de magicien, mais la quête qu'il venait d'accomplir lui avait permis de reprendre confiance en lui, et plus que jamais, il serait déterminé à devenir l'un des plus grands magiciens connus dans le coin. Puis il rangea le Bâton Fabuleux dans une vieille mallette qu'il cacha sous son lit et ne s'en servit jamais, parce que c'était vachement dangereux comme truc.
25.
Conclusion 01:06
Merci aux gugusses ayant vu leurs mots sélectionnés pour les titres des chapitres de ce récit, à savoir : Lefra : notation, genou, VTT, offre, carrelage, nickel, vapeur, gourmand, aigri, toupie, cool, polluant, réflexion. MegTek : lapin, lampadaire, biscuit, fissure, trépied, grille-pain, pain-demi, ventilateur, bâton. Tom4S : intercalaire, moisson, abysses, sceptique, évasion. Xurei : paroxysme. ZerOcarina : géographe, bouteille, directions, xylocaïne, particulier, irresponsable, yéti, route, tablier, vacances, endive, absence, haine, fabuleux. Merci également aux gugusses ayant proposé d’autres mots non retenus pour ce récit ! Merci également aux gugusses ayant lu ou écouté le récit tout au long de sa publication, ou après ! Merci également aux gugusses ayant pris connaissance de l’existence de ce récit ! Merci également aux gugusses qui ont acheté la version papier de ce récit (plus d'informations sur comment l'avoir sur georgeslasaucisse.fr) ! Merci également aux gugusses relatifs à ce récit ou un peu moins que j’aurais oublié !

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Un grand Conte de Noël collaboratif publié en Juillet 2021 !

Également écoutable sur Funkwhale : funkwhale.desmu.fr/library/albums/12/

Conte en version papier sur Lulu : www.lulu.com/fr/shop/desmu-/florent-la-banane-magicienne-et-le-bâon-fabuleux/paperback/product-v26rge.html

Conte en version audiobook sur Lulu : www.lulu.com/fr/shop/desmu-/florent-la-banane-magicienne-et-le-bâton-fabuleux/ebook/product-9r2dz8.html

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released July 24, 2021

Mots proposés par :
- Lefra
- MegTek
- Tom4S
- Xurei
- ZerOcarina

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Desmu Alsace-Champagne-Ardenne-Lorrain, France

On rigole bien ici. Je crois.

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